L’équipe de l’Atelier 21 avec l’école de la deuxième chance, à Tours
En 2016, l’Atelier 21 (laboratoire citoyen engagé dans la transition énergétique) a mis au point une solution pour prolonger la durée de vie des piles jetables et réduire ainsi leur impact environnemental : un régénérateur de piles alcalines appelé « Regenbox ». Rencontre avec Cédric Charles, le créateur.
Chaque année, en France, 33 000 tonnes de piles sont mises sur le marché. L’équivalent en poids de trois Tour Eiffel… Les piles alcalines, à usage unique, représentent 75 % des ventes. Leur potentiel de recyclage est fort mais leur taux de récupération laisse encore à désirer. En 2019, par exemple, il a atteint les 48 %. Un ratio à peine au-dessus de la moyenne européenne (46 %), et bien en-dessous de certains de nos voisins : 91 % en Slovaquie, 61 % en Pologne, 61 % en Belgique. Pour Cédric Charles, designer et fondateur de l’Atelier 21, il en va d’un véritable enjeu économique, social et environnemental bien sûr. « Pour rappel, précise ce dernier, les piles sont composées de métaux lourds tels que le Cobalt, le Cuivre, le Nickel, le Lithium, l’Aluminum, le Manganèse, le Zinc et le Cadmium. Elles consomment jusqu’à 50 fois leur contenu énergétique pour leur seule fabrication ».
La solution Regenbox
Le projet Regenbox est né de la recherche collaborative paléo-énergétique qui consiste à fouiller les brevets du passé, tombés en désuétude. Courant 2016, Cédric Charles et ses confrères de l’Atelier 21 découvrent un brevet d’époque déposé par Karl Kordesh (chimiste autrichien de renom) pour un chargeur de piles alcalines. Aussitôt, ils se saisissent de ce projet tué dans l’œuf et organisent un hackathon de quelques jours pour concevoir un prototypage rapide et fonctionnel. Les premiers résultats sont plus qu’encourageants. La Regenbox est née !
Plus une seconde à perdre. L’équipe de l’Atelier 21 met alors en place un financement participatif pour aboutir à une deuxième version, destinée cette fois-ci au grand public. Aussi, elle crée un centre de tri mobile – appelé RegenCase – afin de pouvoir tester la régénérabilité des piles disponibles sur le marché français et comparer leurs capacités. L’idée, raconte Cédric Charles, était de « vérifier que les piles du marché français étaient bien régénérables et déterminer quelle était la meilleure pile du marché. C’est ça aussi qui est très puissant dans notre projet : la data sur le marché de la pile, sur différentes technologies de piles. Alors ces dernières années on a testé plus de 50 marques de piles. Des piles neuves qui sortent de l’emballage, on les décharge, on les recharge… ». Ces recherches ont vite porté leurs fruits : « Nous avons démontré, avec une communauté scientifique et plus de 1000 tests, que les piles du marché français peuvent bel et bien être rechargées ». À la clé, des bénéfices immenses. Écologiquement, d’une part. Financièrement, de l’autre. En effet, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), les Français consommeraient en moyenne 21 piles par habitant chaque année. Rapporté à l’échelle de la Région Centre-Val-de-Loire qui compte 2 572 000 habitants, cela donne un total de plus de 50 millions d’unités vendues sur le territoire chaque année, dont seulement 25 millions sont récupérées. Or, explique Cédric Charles, « nos tests nous ont permis de constater qu’en moyenne 37,5 millions d’unités pouvaient être récupérées et réinjecter dans l’économie circulaire. Et, si on prend en compte le prix moyen d’une pile, donc 68 centimes d’euros par unité, la valeur économique sur laquelle intervient la régénération serait de plus de 25 000 000 d’euros ».
Actions pédagogiques en France et à l’international
En attendant que leur étude comparative des piles alcalines soit publiée – « courant 2021 », indique Cédric Charles – et que la nouvelle version de la Regenbox soit commercialisée, l’Atelier 21 a mené différentes actions pédagogiques à destination des écoles, des lycées ou encore des maisons de quartier afin de sensibiliser les jeunes publics aux enjeux écologiques, à l’amélioration des gestes de tri et à la gestion des piles. « Tout ça, c’est ce que nous permettrait de faire plus aisément un déploiement de la Regenbox à l’échelle de la Région », explique le designer et fondateur de l’Atelier 21 qui espère que sa région natale, la région Centre-Val-de-Loire, sera l’une des premières collectivités territoriales à se faire pilote dans la gestion des déchets piles.
Ces dernières années, l’Atelier 21 s’est également rendu à plusieurs reprises sur le continent africain (plus particulièrement en Afrique francophone) pour diffuser son savoir-faire et partager avec des écoles d’ingénieur sa Regenbox. Au Sénégal, par exemple. Là-bas, les prix des piles sont les mêmes qu’en France. « Un véritable scandale économique ! », pour les membres de l’Atelier 21. « On envoie dans pas mal de pays d’Afrique des Regenbox gratuitement, du coup ils peuvent à la fois recharger les piles et faire des tests comme nous on a fait en France et déterminer quelle est la meilleure pile du marché local, c’est super important parce que ceux qui reçoivent nos Regenbox se rendent compte à quel point ils vont rendre un immense service public. Quand nos contacts sur place s’expriment sur le sujet ils nous disent que dans les campagnes ils ont des gens de leurs familles qui utilisent beaucoup de piles et ça revient très très cher pour tous ces gens qui sont hors des réseaux électriques », confie Cédric Charles.
Actuellement, l’association travaille activement à la création d’une entreprise pour pouvoir porter le développement commercial du projet et lui faire prendre une nouvelle dimension. En parallèle, elle mène désormais une nouvelle étude comparative sur les piles auditives pour les malentendants. « Ça va permettre à des personnes âgées, qui utilisent une à deux piles toutes les semaines dans leurs appareils, d’avoir accès à un comparatif des rapports qualité-prix des piles ».
Par Johann Gautier