Hubert Hervet, directeur d’Action Logement Centre-Val de Loire.
Difficile de parler d’entreprise sans évoquer le logement des salariés. Les deux sont intimement liés, mais l’on ne se rend pas toujours compte à quel point. S’il est un organisme qui fait le lien entre les deux, c’est Action Logement, qui participe à la production d’habitat, à la restructuration de nos villes et à l’accompagnement du salarié au cours de sa vie familiale et professionnelle. Explications avec son directeur régional Hubert Hervet.
Action Logement trouve son origine dans le monde des entreprises avec ce que l’on appelait à l’époque le 1% Patronal. L’institution a été créée par la volonté des dirigeants en 1943. Période troublée s’il en est, mais attentive aux besoins de disposer d’une main d’œuvre industrielle, attachée à l’entreprise.
Ce sont des accords paritaires entre confédérations patronales et salariés qui ont permis cette création. Les dix premières années, les cotisations versées par les entreprises ont permis de construire des logements sains, de rénover et sédentariser les salariés, au plus près de leur lieu de travail. « Idéalement, les familles devenaient propriétaires », ajoute Hubert Hervet, directeur d’Action Logement Centre Val de Loire.
Le 1% Patronal a même permis de financer la reconstruction du logement, touché par la guerre. Tant et si bien qu’en 1953, l’Etat rend obligatoire le principe de cotisation, à toutes les entreprises privées de plus de 10 salariés. Elles s’acquittent en une fois, d’une somme équivalente à 1% de leur masse salariale de l’année précédente. Les fonds sont versés à une association ; en l’occurrence un CIL, Comité interprofessionnel du logement, ou une CCI. « Il dispose ainsi de fonds, pour aider les salariés du privé à accéder au logement, détaille Huber Hervet, par des prêts pas chers ».
Après-guerre, les gens quittent les campagnes pour rejoindre les villes. Il faut construire vite, d’autant qu’arrive le baby-boom ; on découvre avec lui les cités ouvrières.
Accompagner le changement
Dans cette période de reconstruction et d’innovation, l’entreprise change d’organisation. Par le fait des fusions et acquisitions, l’entreprise se fractionne dans l’hexagone et dans le monde. Le logement et l’idée que l’on s’en fait, accompagnent ce changement ; la location prend le pas sur l’acquisition. Si le chef d’entreprise paternaliste se fait plus rare, il reste attaché à la réussite de sa politique salariale, conscient que l’entreprise ne réussira pas sa transformation sans ses salariés. Il faut donc à la fois de la formation professionnelle et du logement qualitatif, pour l’employé, mais aussi son conjoint qui va suivre. Pour répondre à ces besoins, les partenaires sociaux ont développé un deuxième axe, qui consiste à construire et financer une part de logement social dans les secteurs où la demande est forte. On parle de « logement locatif à loyer maîtrise ».
L’entreprise au service des salariés
Le mouvement du 1%Patronal a compté jusqu’à deux-cents structures associatives en France, les partenaires sociaux se sont réformés et il n’y a plus aujourd’hui qu’un seul groupe appelé Action Logement. Le paritarisme n’a pas changé et le Conseil d’administration est toujours composé de dix représentants des Chefs d’entreprises et dix de salariés. Action Logement Service collecte l’argent auprès des entreprises. Le taux de cotisation est aujourd’hui de 0,45%, et ne concerne plus que les 42.000 entreprises françaises de plus de 50 salariés. Le financement du logement social a ainsi perdu la moitié des cotisants. Au niveau national, c’est 300M€ de recettes en moins. Mais ces mêmes entreprises cotisent aussi au FNAL, le Fond national d’aide au logement, via l’URSAAF, à hauteur de 0,50% de leur masse salariale. Au final, il reste 0,95%, presque 1%, que payent les plus grandes entreprises. « Pour faire simple, détaille Hubert Hervet, tout cela représente 3,4MD€ qui financent les allocations logement, la rénovation urbaine ou l’assurance location. Visale, par exemple, Visa du logement pour l’emploi. Cette garantie-loyer couvre la totalité du loyer sur la durée du bail des logements, pour les jeunes de moins de trente ans, ainsi que pour leurs aînés qui ne sont pas assurables par le secteur privé : CDD, intérimaires et demandeurs d’emplois. Du jamais vu, qui ne coûte rien ni au locataire, ni au propriétaire, mais qui facilite le parcours résidentiel ».
Logement social et Renouvellement Urbain
Pour la construction de logements sociaux, les bailleurs empruntent à Action Logement aux taux les moins chers du marché : 0,25% sur 40 ans ! En contrepartie, Action Logement est réservataire de logements pour les salariés des entreprises locales. La boucle est ainsi bouclée ; le parc social en Région Centre-Val de Loire est de l’ordre de 190.000 logements.
Où l’on voit qu’Action Logement finance le renouvellement urbain : démolition, reconstruction, restructuration, que gèrent les délégataires à la pierre, conventionnés avec l’Etat. Ils sont neuf en Région Centre : les six départements, les deux métropoles et Bourges +. Il y a par ailleurs vingt-cinq bailleurs sociaux.
L’aménagement du territoire, est l’affaire des élus, des collectivités et donc des maires en première ligne. Ils choisissent de construire en incluant bien sûr du logement, social et privé. « Action Logement intervient peu dans les constructions privées, précise Hubert Hervet, à de rares exceptions près ».
Les investissements se font par le biais de l’ANRU, Agence nationale pour la rénovation urbaine (10MD€ au niveau national, dont huit financés par Action Logement), Cela finance la rénovation de dix-neuf quartiers en région Centre. Cela permet de transformer des locaux vacants en logements, d’agir contre la dégradation de l’habitat ancien, voire d’améliorer la performance énergétique des logements, souvent en partenariat avec une autre agence, l’ADEME cette fois.
Une rallonge pour l’isolation
9MD€ complémentaires avaient été alloués par Action Logement dans le cadre d’un Plan d’Investissement Volontaire. Ils s’ajoutaient aux 15MD de la convention quinquennale d’origine. Un milliard était destiné au financement des travaux d’économie d’énergie, jusqu’à 20.000€ par projet.
Le milliard en question a été consommé en quelques semaines. Victime de son succès, la plateforme digitale a été fermée début décembre, après tout de même que 60.000 ménages aient déposés leurs dossiers.
Par Stéphane De Laage