Chef d’entreprise emblématique, co-fondateur du collectif « C’est qui le patron » et de l’Open Agrifood, Emmanuel Vasseneix est avant tout un humaniste. Regard sur une crise qu’il espère salutaire.
Emmanuel Vasseneix : C’est une période très déstabilisante. L’agro-alimentaire est moins impactée que d’autres secteurs totalement à l’arrêt. Et bien que l’approvisionnement en matières premières soit difficile, l’entreprise tourne, moins bien mais elle tourne. Mes sujets du moment sont centrés sur mes clients et bien sur mes collaborateurs. Je suis fier de ceux qui sont engagés dans ce défi et qui se soucient de l’autre. Notre mission est de nourrir la population et d’être en support des services de santé qui nous soignent. On a choisi d’appliquer à la lettre les recommandations des services de santé. En revanche le rôle de la direction est d’être avec les gens. La réassurance veut que nous soyons sur le terrain avec les troupes.
Vous vous êtes recentré sur vos activités de première nécessité…
E.Vasseneix : Oui, le lait, la crème, les jus d’orange et les boissons végétales. Par contre c’est très dur pour la vente à emporter, les salades et le snacking de notre filiale « les Crudettes ».
Quel est votre avis de chef d’entreprise sur la gestion de la crise ?
E.Vasseneix : La crise est violente et soudaine. Mal préparée car on n’a sans doute pas su y croire assez vite. Mais reconnaissons le travail formidable du ministre de la santé et de son directeur Jérôme Salomon. Rien n’est parfait mais je trouve qu’il y a eu un vrai élan, et une prise en main rapide par les institutions, contrairement à 2008 ou l’on avait été un peu abandonnés.
La solidarité est de longue date dans les gènes de votre entreprise, comment la vivez-vous cette fois ?
Emmanuel Vasseneix : On est actifs à notre façon. Pas dans les grands problèmes du monde mais au cas par cas. On a donné les blouses et les chapeaux que nous avions en trop, des gants et des masques quand on en avait. Je salue l’action de notre député Richard Ramos qui s’est démené pour cela, L’Oréal et LVMH ont aussi donné, ce sont de belles images de solidarité.
On a mis à disposition du lait et des jus pour les Restos du cœur et Emmaüs qui étaient démunis. On a aussi choisi de payer sans délai nos plus petits fournisseurs et les transporteurs locaux.
Et puis dans certains cas, la production de produits de première nécessité a augmenté et les bénéfices avec. Nicolas Chabanne (NDLR : fondateur avec E.Vasseneix de la marque « C’est qui le patron » en 2016) a lancé l’idée que ces bénéfices soient reversés à des associations. C’est qui le patron a donné 100.000€, Panzani 150.000€, et nous 50.000€ à ce fonds de solidarité. C’est les consommateurs qui décideront de ce que l’on en fera. Ce sera peut-être pour une coiffeuse, un artisan local, ou des repas achetés d’avance pour aider la trésorerie par anticipation. Il y a plein d’oubliés et de cas particuliers qu’il faudra aider.
Emmanuel Vasseneix
Il y a aussi de belles initiatives de vos salariés.
Emmanuel Vasseneix : Oui certains se sont proposé de donner du temps, de l’argent, et même une heure ou une journée de RTT. Chaque don est doublé par la société. A tête reposée, on gérera ces dons.
Cette pandémie fera-t-elle changer les choses ?
Emmanuel Vasseneix : Je suis citoyen et père de famille. J’espère qu’on va laisser quelque chose de bien à nos enfants. Je souhaite que ce soit une prise de conscience sur la solidarité et l’environnement. Il va falloir travailler plus, mais le contrat social doit passer par une meilleure répartition de la richesse. D’autre part, il est impensable que notre pays ne soit pas autosuffisant pour son alimentation.
L’Open Agrifood sera maintenu ?
Emmanuel Vasseneix : Oui, on a tout envisagé : arrêt, poursuite ou décalage. Or c’est un lieu de réflexion et de pensée. On doit donc poursuivre, avec un Open très dynamique et post Covid. L’open peut être le bras armé de ce système de pensée, réservoir de réflexions, d’influence sur les résolutions d’avenir, lucide et pragmatique.
Par Nicolas Duemes