On estime à 30 % les entreprises familiales qui franchissent la deuxième génération et à seulement 10 % celles qui survivent à la troisième. Nous nous sommes intéressés à ces success stories et à leurs clés de réussite. Cette fois-ci, direction Amboise, à la rencontre de Christiane et Paola, qui représentent respectivement la troisième et la quatrième génération de la Maison Bigot. C’est installées à la table familiale du salon de thé, sous le regard bienveillant de leurs ancêtres trônant sur le rebord de la cheminée, que les deux femmes reviennent sur leur saga familiale.
Si c’est René Bigot, l’arrière-grand-père, qui a fondé la boulangerie Bigot en 1913, c’est bien son épouse Julia qui a dû rapidement tenir la boutique lorsqu’il partit à la guerre. « Elle portait les sacs de farine sur son dos parce que le boulanger était trop vieux, raconte Christiane. C’était une fille très dynamique, elle a racheté le bureau de tabac à côté pour faire un salon de thé. » De leurs trois enfants, ce fut Renée, la seule fille de la famille, qui reprit le commerce dans les années soixante. Divorcée, elle tint seule la boutique sous le regard de Christiane qui n’en perdait pas une miette. En 1973, mère et filles travaillent ensemble et décident d’opérer de gros travaux : elles font casser l’ancien fournil, revoient l’agencement global du rez-de-chaussée et équipent l’étage d’un laboratoire. « Je disais : la place des filles est en bas, et celle des gars en haut. Maintenant, les choses ont changé, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis », sourit Christiane, sous le regard amusé de sa fille Paola. C’est cette dernière qui a repris le flambeau en 2018, après avoir travaillé dans le commerce international. « Je savais que je reprendrais un jour. C’était sous-jacent », déclare-t-elle.
L’art d’entretenir des relations humaines
Pour Paola, comme pour sa mère Christiane et autrefois sa grand-mère Renée, tout s’est fait assez naturellement. Pour elles qui ont été élevées dans le commerce, c’est un art de vivre, et quand bien même elles ne portent pas le nom Bigot dans leur état civil, c’est ainsi que les clients les appellent, ainsi que les employés de la boutique. « Comme je dis souvent “mes filles”, les clients pensent qu’on est toutes de la même famille », s’amuse Christiane. « Certains employés me connaissent depuis que je suis toute petite, il y a de l’affection entre nous », complète Paola. Un état d’esprit familial qui se ressent en entrant dans la boutique et qui crée l’attachement des clients à la maison. Lesquels n’hésitent pas à recommander les pâtisseries, chocolats et confiseries réputés pour leur qualité dans le monde entier. D’ailleurs, il suffit de parcourir les pages des livres d’or pour mesurer la notoriété internationale de l’établissement. Une histoire familiale donc, mais écrite avec les clients et ses salariés. Le respect des êtres humains et du travail bien fait autour de produits gourmands, c’est sans doute cela le secret du succès de la maison Bigot.
Émilie Marmion