Du Loir-et-Cher aux grandes écoles

Les fondateurs de l’association, dont Jean-Baptiste Baudat à gauche.

« Du Loir-et-Cher aux grandes écoles » est le nom de l’association fondée par Jean-Baptiste Baudat et quatre autres jeunes actifs pour que la ruralité soit mieux représentée sur les bancs des grandes écoles.

C’est sa rencontre avec le président de la fédération « Des territoires aux grandes écoles » qui va amener Jean-Baptiste Baudat à prendre conscience du caractère singulier et exemplaire de son parcours. Avec deux amis romorantinais et deux Vendômoises, il crée alors la 33e association départementale affiliée à cette fédération en janvier 2021.

Dans cette fédération, on constate la sous-représentation des étudiants issus de la ruralité dans les hautes études alors que les petites et moyennes communes composent la majorité de l’Hexagone. « Pourtant, hormis les grands lycées parisiens, on a les mêmes résultats au baccalauréat », constate Jean-Baptiste Baudat. Il explique cela par l’ancrage sociétal de « trois formes de censure : les élèves, les professeurs et les parents » : l’élève qui manque de confiance en lui, le professeur fataliste et les parents attachés à leur terroir. À l’autocensure s’ajoutent le manque d’informations et le frein financier. « Depuis la réforme des lycées, les jeunes doivent anticiper, commencer à construire leur carrière d’étudiant » sans connaître les règles implicites ni avoir les contacts, contrairement aux jeunes résidant dans les agglomérations. « On a monté cette association parce qu’il y a cette difficulté pour les jeunes des territoires ruraux à réussir, à aller à la conquête des études supérieures » et pour développer l’interrelationnel.

Pour contribuer à plus d’égalité des chances, la centaine de parrains et marraines de l’association, tous étudiants ou jeunes actifs issus des hautes études (architectes, ingénieurs, journalistes…), interviennent dans les lycées pour rassurer, notamment en partageant leur réussite personnelle : « C’est une fierté d’avoir réussi, il ne faut pas en avoir honte. Et c’est une fierté qui se partage. » Ils « proposent du mentorat individualisé » et viennent également d’octroyer cinq bourses à des élèves de Romorantin et de Blois grâce à leurs mécènes (banques, entreprises, collectivités territoriales et leur fédération en partenariat avec la fondation Hermès), « chacun touche 6 000 € en deux ans ». Ces précurseurs impulsent l’envie à leurs cadets qui osent ainsi viser la Sorbonne, Sciences Po… L’attribution de cette bourse ne dépend pas seulement de l’excellence scolaire ni des revenus. Basée sur la méritocratie, elle s’attache à favoriser l’ambition. Le jury, constitué par l’association, ses mécènes et des représentants des études supérieures, les a choisis parmi une soixantaine de demandes transmises par les lycées conventionnés. Leur jeune association projette de doubler le nombre de bourses en trouvant des mécènes locaux, de conventionner avec les lycées de Vendôme. Jean-Baptiste Baudat voudrait aussi agrandir la « chaîne de solidarité intergénérationnelle » avec des « mentors plus expérimentés qui pourront aider les parrains » et faire découvrir leur métier.

Jean-Baptiste Baudat, président « Du Loir-et-Cher aux grandes écoles »

Ce magistrat vit désormais entre Paris et Romorantin où il est né. Comme les lycéens qu’il rencontre, il ne s’était pas imaginé haut fonctionnaire. « J’ai préparé le concours pendant deux ans et je ne me suis pas présenté. Au lycée Pothier à Orléans, personne avant moi ne l’avait réussi ; je ne voyais pas pourquoi je l’aurais réussi. » Certains l’en ont même dissuadé : « L’ENA, ce n’est pas pour vous parce que vous venez d’un lycée de province », lui a-t-on objecté. Pourtant, cette voie semblait logique pour lui, bercé par l’engagement de ses parents et grands-parents. « J’ai toujours aimé débattre dans la cour de récré. J’avais l’idée de justice ancrée en moi. »

C’est un stage à la mairie de Romorantin qui va lui donner l’envie de se lancer dans l’administration et dans la politique. « L’ENA, c’est le graal pour qui veut prendre des décisions d’intérêt général. » Cette réussite est une « forme d’hommage à mon grand-père qui était Résistant, une forme d’accomplissement dans l’histoire familiale ». Mais « à l’ENA, j’étais l’un des seuls à venir d’un territoire rural. On parle beaucoup d’égalité femme-homme, d’égalité sociale, qui sont importantes, mais on ne parle pas souvent d’inégalité territoriale. Plus de la moitié de la promotion vient de Paris ou des grandes villes comme Lyon, Bordeaux ou Marseille. Peu viennent des petites villes alors que c’est la majorité de la population. Cela veut dire que les jeunes de nos villes moyennes et de nos villages ne vont pas dans les grandes écoles. C’est un problème parce qu’on parle beaucoup d’ascenseur social, mais pas d’ascenseur territorial. Mes origines, je les arbore fièrement », conclut-il.

duloiretcherauxgrandesecoles.fr

Laëtitia Piquet

Les premières bourses ont été attribuées à cinq lycéens du Loir-et-Cher ambitieux.

« C’est une fierté d’avoir réussi, il ne faut pas en avoir honte. Et c’est une fierté qui se partage. »

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