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La digitalisation était en marche depuis quelques années déjà, et la crise sanitaire n’a fait que l’accélérer. Le commerce n’a pas échappé à cette tendance, et c’est sans doute l’un des effets les plus visibles et durables dans notre vie quotidienne. Le click’n’collect est désormais une évidence, et avec lui aussi les marketplaces, les livraisons à domicile et autres box. Pour les bijoux, les fringues et la cosmétique, les influenceurs sont au coin du site, et vous rappellent combien il est indispensable d’acheter ce qui ne l’est pas toujours.
Si Internet est le levier le plus efficace de la transition du commerce, d’autres tendances, plus sociétales celles-là, influencent aussi notre mode de consommation. Le commerce à la ferme répond ainsi à une envie de proximité, les boutiques éphémères permettent aux plus fragiles et aux débutants un contact avec leur public, et le commerce coopératif concorde avec un besoin d’authenticité.
Ce mouvement de fond tord même le bras à la grande distribution qui multiplie les rayons bio et « de proximité ». La bataille du référencement est ainsi engagée, sur le Net et dans la rue, pour que chacun trouve sa place sur le marché de notre petite planète. Tandis que les centres-villes déploient leurs armées de managers de commerce, les chambres consulaires accompagnent leurs ressortissants à grand renfort de coaching digital.
Avec tout cela, consommerons-nous mieux ? Pas sûr, tant les GAFAM nous observent et nous incitent à acheter plus. Pas toujours mieux, mais qu’importe puisqu’on peut toujours revendre sur LeBonCoin ou à défaut sur sa propre boutique de e-commerce.
Une chose est sûre, le commerce responsable est en opposition frontale au e-commerce, même si l’un et l’autre se fondent bien malgré eux, pour ne faire qu’un vaste marché.
Marketplace, le centre commercial digital
La marketplace fait son chemin depuis quelques années déjà, mais comme tout ce qui est digital, elle a pris un essor phénoménal ces derniers mois.
Comme son nom l’indique, il s’agit d’une place de marché…virtuelle. Une sorte de centre commercial, avec des boutiques diverses, dans lesquelles on achète tout avec un seul et même caddy, et une seule caisse à la sortie.
Ainsi, dans une Marketplace, vous faites vos courses alimentaires, vous achetez vos vêtements, mais aussi les produits bruns et blancs pour la maison. Cette globalité n’est bien sûr possible que sur le Net, par la magie de la dématérialisation.
La CCI de Touraine n’a pas attendu la pandémie pour se pencher sur la question. Elle est en phase de concrétisation de sa Marketplace qu’elle construit depuis bientôt deux ans. « L’idée, résume le président de la CCI, Philippe Roussy, est de donner aux commerçants plus de visibilité, et de construire avec eux un outil de développement qui réponde à la demande des consommateurs ». Et c’est Danièle Julien, référente commerce de la CCI, qui s’y est attelé : « Idéalement, les commerçants adhérents verront leurs produits vendus sur ce marché digital, détaille-t-elle. C’est une prolongation de leurs sites internet, de leurs pages Facebook ou Instagram ». Tous les commerçants tourangeaux sont concernés.
Pour créer cet outil, la CCI a fait appel à l’agence angevine Wishibam. Un travail de précision qui doit permettre, entre autres fonctionnalités, de « faire glisser » les références des commerçants déjà en ligne, sans avoir à les ressaisir. « C’est essentiel, poursuit Danièle Julien, car il faut convaincre les commerçants, et ne surtout pas les décourager par un surcroît de travail ». Pour faire adhérer les commerçants, il faut d’abord démontrer l’intérêt. Pour cela, deux nouveaux opérateurs vont les démarcher dans les prochaines semaines. Il faut ensuite, des conditions d’adhésion attractives. Une première année gratuite, la suivante à demi-tarif, pour progressivement arriver à une cotisation mensuelle de 30€. Viendra l’incontournable campagne de communication, plan média et internet, pour faire connaître ce nouvel espace digital.
L’opération a donc un coût, environ 750.000€ sur trois ans, aidée et encouragée par l’Etat, les collectivités et les institutions*. « Oui, c’est un investissement, convient Philippe Roussy, mais qui doit fédérer les acteurs du commerce et les parties prenantes. C’est un outil formidable pour structurer le territoire ».
Ainsi va le commerce collectif, qui fait cause commune en un seul et même lieu. La Marketplace de la Touraine, dont le nom et le logo doivent être dévoilés ces prochains jours, devrait être opérationnelle au printemps 2022.
* Les financements sont partagés par : la Banque des territoires (Etat), la CCI Touraine, la Métropole tourangelle, la ville de Tours, Chinon Val de Vienne, Vallée de l’Indre, Touraine Est Vallée, Touraine Ouest Val de Loire, la chambre d’agriculture, la fédération des associations d commerçants.
Julie Richard, Jérôme Richard et Gwenaëlle Gonzales ©NuooBox
Voguer de canal en canal
Julie met les dernières touches à la boutique qu’elle vient d’ouvrir à Nantes. C’est la quatrième cette année, bientôt cinq avec celle à venir au cœur de Lyon. Nuoo, la marque de cosmétique bio, vient de fêter son sixième anniversaire et le développement est impressionnant. Sans doute grâce au concept multicanal que la jeune équipe a très vite adopté. Il y a six ans, dans un deux-pièces du vieil Orléans, Julie Richard, Jérôme Richard et Gwenaëlle Gonzales créaient ensemble Nuoo. Une entreprise qui allait vendre des produits cosmétiques, exclusivement bio, sur le principe de la box mensuelle personnalisée. À ces envois hyper ciblés et qualifiés, s’ajoutait une boutique, d’abord éphémère, aujourd’hui permanente. Le succès est très vite au rendez-vous. Les produits analysés, testés et validés, font merveille auprès d’une cyber clientèle plutôt jeune. Avec le recul, l’entreprise doit aussi sa réussite aux choix stratégiques qu’ont fait les trois associés. « Dès le départ, on a été multi canal, explique Julie. Aujourd’hui, on poursuit le développement des boutiques physiques et du e-commerce, dont on s’aperçoit qu’ils sont indissociables l’un de l’autre ». Au point que l’implantation des cinq boutiques n’est évidemment pas due au hasard. Orléans, Clermont-Ferrand, Angers, Nantes et Lyon répondent aux critères de sélection des clients sur le Net. « On a des données d’une incroyable richesse, poursuit Julie. À commencer par la localisation de nos clients ». Et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les boutiques sont implantées précisément, là où se trouvent les cyber consommateurs. Nuoo joue la carte de l’imbrication des deux types de commerce. « 50% de nos e-consommateurs passent dans la boutique de leur ville ». Et inversement, les boutiques sont un formidable canal d’agrandissement de la vente digitale. Les gens testent en boutique, connaissent puis achètent sur le Net ; la boucle est ainsi bouclée, « au point, conclut Julie, que notre chiffre d’affaires augmente deux fois plus vite dans les villes où nous avons une boutique ».
« Les yeux fermés »
En cosmétique, 60% des achats se font en boutique. C’est pourtant sur le e-commerce que la petite équipe avait misé à l’époque. En parallèle des grandes enseignes, la Box Nuoo a joué son rôle : faire découvrir des produits, le plus souvent créés par de petites marques de niche, et apprendre les rituels beauté. « On est des dénicheurs, s’amuse Julie. 75% de nos références sont françaises ». Des marques auxquelles le trio applique une charte drastique de sélection, pour que le client achète en confiance, presque les yeux fermés : neutralité des ingrédients, impact écologique, pas de test sur les animaux…Répondre aux attentes du moment et jouer la carte de la confiance sont aussi le pari gagnant du commerce.
Nuoo compte aujourd’hui 3.000 références dans 160 marques, réalise un chiffre d’affaires de 5M€ et emploie 30 salariés. Une réussite évidente que Julie, Jérôme et Gwenaëlle n’envisagent pas d’arrêter en si bon chemin. « On espère une vingtaine de boutiques d’ici trois ans. L’idée est de nous concentrer sur le conseil client, la création d’une relation de proximité, et même le conseil en ligne ou en visio par notre expert ». En résumé : mettre de l’humain dans le digital !
Dossier réalisé par Stéphane De Laage
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