Déserts médicaux en région Centre-Val de Loire : entre état des lieux et revendications concrètes du corps médical

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La région Centre-Val de Loire, comme toutes les régions françaises, compte de nombreux déserts médicaux. Rencontre avec cinq Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS) en région Centre-Val de Loire.

Quand on parle de déserts médicaux, on pense immédiatement au manque de médecins généralistes. Mais, ce problème concerne quasiment toutes les professions de santé libérales. Ces fameux déserts médicaux sont plutôt des déserts de santé. Nous avons rencontré cinq URPS en région Centre-Val de Loire. Chacune nous fait un état des lieux du manque propre à leur profession et nous présente ses attentes concrètes.

Les médecins libéraux :

La région Centre-Val de Loire possède la plus faible densité médicale de France métropolitaine. 35 % des médecins généralistes en région ont plus de 60 ans. Selon l’URPS Médecins Libéraux Centre-Val de Loire et l’Assurance Maladie, il manquerait 784 médecins libéraux en région pour arriver à la même offre que la moyenne nationale. 92,8 % de la population régionale se situe dans une zone où l’offre est insuffisante et où l’accès aux soins est difficile. Chaque médecin traitant déclare 1 400 patients, contre 1 100 à l’échelle nationale.

Les préoccupations des médecins sont notamment d’ordre financier : « Il y a un problème de rémunération de l’acte médical qui est en déconnecté de la réalité, explique Pierre Bidaut, médecin généraliste à Gien (45) et président de l’URPS Médecins Libéraux Centre-Val de Loire. « On ne nous donne pas les moyens d’embaucher du personnel paramédical, ni de financer les locaux nécessaires. On ne peut pas travailler uniquement pour payer des charges. Nous ne pouvons adapter notre tarif à nos charges. Les décideurs ne nous écoutent pas. Ils doivent prendre en compte les difficultés du terrain. »

Concernant la formation, les zones sous-dotées en généralistes sont sous-représentées dans les facultés de médecine. Les jeunes médecins s’installent majoritairement dans leur territoire d’origine ou dans le territoire autour de leur fac. « Il faut créer les conditions d’exercice attractives pour les jeunes », poursuit Pierre Bidaut.

Les masseurs-kinésithérapeutes libéraux :

La profession est aussi touchée par le manque de professionnels en région Centre-Val de Loire. Les délais d’attente peuvent être très longs : plus de deux mois dans certains départements, voire trois à quatre mois en Eure-et-Loir.

Concernant l’idée d’imposer aux professionnels de santé de s’installer dans les déserts médicaux, « la coercition ne marche pas, explique Morgan Colas, kiné à Mareau-aux-Prés (45) et président de l’URPS MKL Centre-Val de Loire. Il y a un biais psychologique. L’incitatif est plus impactant que le coercitif. Il vaut mieux travailler sur la collaboration professionnelle. »

D’un point de vue financier, la rémunération des kinés n’a pas été revalorisée depuis 2017. Si le professionnel est conventionné par la Sécurité Sociale, l’acte moyen est rémunéré 18€ pour une demi-heure. Mais, l’acte le plus courant est rémunéré 16,13€. Avec l’augmentation des charges, la profession a subi une très grosse perte de pouvoir d’achat depuis 2017. Les kinés travaillent donc plus, augmentent leurs plages horaires, augmentent leur nombre de soins, entrainant un épuisement professionnel et une perte de qualité des soins.

Les pédicures-podologues :

En région Centre-Val de Loire, le manque de pédicures-podologues concerne surtout l’Indre, le Cher et le Loir-et-Cher. La cause ? Le coût des études reste très élevé. Les études dans le domaine se font uniquement dans des écoles privées et non à l’université. « Il y aurait plus de gens qui se lanceraient si c’était en université », explique Audrey Zmyslony, pédicure-podologue à Saint-Jean-de-la-Ruelle et présidente de l’URPS Centre-Val de Loire pédicures-podologues. Le matériel nécessaire à l’installation coûte aussi très cher : « il y a beaucoup d’achats de matériel qui doit être renouvelé régulièrement. Les consommables coûtent aussi de plus en plus cher. »

Les infirmiers libéraux :

La profession ne semble pas concernée par ce manque. 100% de la population régionale est couverte et certaines zones sont mêmes surdotées. Conséquence : il est interdit pour un infirmier libéral de s’installer dans une zone surdotée.

Ces considérations plutôt optimistes n’empêchent pas un mal-être chez les infirmiers libéraux. En cause, une banalisation de la violence physique et de plus en plus de bureaucratie. « Dans une semaine, je réserve une journée et demie pour l’administratif, explique Pierre Charpentier, infirmier dans le Cher et président de l’URPS Infirmiers Centre-Val de Loire. L’infirmier libéral est un chef d’entreprise. Il gère les paiements, la comptabilité, les charges à payer. »

De plus, infirmier libéral est un métier sous ordonnance : « on ne peut pas facturer et on ne peut donc pas être payé tant qu’on n’a pas une ordonnance ». Plus qu’un manque d’infirmiers libéraux, c’est le manque de médecins généralistes qui impacte le travail des infirmiers. L’URPS plaide pour un accès direct pour certains types de soins encadrés : « en levant la contrainte et le besoin d’une ordonnance, l’accès aux soins serait simple, efficace et rapide pour le patient. Cela libérerait du temps aux médecins généralistes. Il faut valoriser les compétences disponibles ». L’URPS plaide aussi pour une circulation totale des données médicales et une collaboration entre tous les professionnels de santé. « Le manque d’informations met en danger le patient. Il faut arrêter de voir le médecin au centre du soin. C’est le patient qui doit être au centre du soin ! »

La réponse des médecins libéraux à la question de l’accès direct aux soins :

Concernant l’accès direct aux soins, « nous n’avons ni la volonté, ni la capacité de tout faire, répond Pierre Bidaut. Il faut respecter les compétences de chacun. La responsabilité du parcours de santé doit relever du médecin généraliste. Il doit y avoir une coordination protocolisée, une supervision médicale. Je ne suis pas contre un accès direct pour un certain nombre de soins. La qualité des soins passe par un parcours de prise en charge coordonnée. »

Les pharmaciens :

Par rapport au reste de la France, la région Centre-Val de Loire compte un peu moins de pharmacies par nombre d’habitants et les jeunes formés dans la région restent moins. Il y a aussi des disparités entre les départements, avec plus de pharmaciens en Indre-et-Loire grâce à la présence de la faculté de pharmacie, contrairement à l’Indre ou au Cher par exemple.

La profession rencontre de grosses difficultés de recrutement et la fermeture d’une officine est souvent liée au départ d’un ou plusieurs médecins généralistes dans une commune. « Les pharmacies sont moins nombreuses, mais la population et la patientèle est toujours là, explique Françoise Guegan, pharmacienne à Huisseau-sur-Cosson (41) et présidente de l’URPS Pharmaciens Centre-Val de Loire. L’officine est le dernier accès à la santé. »

Maxence Yvernault

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