Développer le tissu économique est de longue date une mission des collectivités locales et territoriales. Depuis que la Loi NOTRe a redistribué les rôles, ces dernières coordonnent leurs efforts et semblent « jouer collectif ». Les créateurs et repreneurs d’entreprises trouvent ainsi plus facilement l’interlocuteur idoine : la région a son agence, les communautés de communes leurs développeurs. Ce qui n’empêche pas la multiplicité des aides et des dispositifs, pour lesquels beaucoup notent encore un manque d’harmonisation.
Pour attirer les créateurs, les territoires cultivent une image bien marketée, outil de séduction que porte parfois une marque comme la Sologne, ou un label de compétitivité comme la Cosmetic Valley ou Aérocentre. Pour monter dans le train de l’industrie 4.0, les territoires entre Berry et Montargois, jouent la carte du potentiel de main d’œuvre qualifiée. Reste à faire venir les cadres. Comme pour les médecins que l’on voudrait voir peupler nos campagnes, l’APEC table sur l’environnement, la culture, les écoles et ce qu’elle appelle « l’écosystème ».
Autant d’arguments que cultivent les collectivités compétentes qui désormais chassent en meute. Quels sont ces arguments ? C’est le fond de ce dossier (à retrouver dans son intégralité dans nos éditions pdf).
Dev’Up joue collectif en région Centre Val-de-Loire
En février 2015, la loi NOTRe est promulguée. Elle confie de nouvelles compétences aux régions et redéfinit celles attribuées aux collectivités territoriales. Deux ans plus tard naît Dev’Up, l’agence de développement économique de la Région Centre Val-de-Loire.
Jean-Louis Garcia est le directeur général : « On travaille avec l’ensemble des territoires, dit-il. La solidarité dans la démarche d’attractivité est essentielle. Rien ne doit se faire au détriment du voisin. Il faut jouer collectif ». Cela commence par la mutualisation des démarches de prospection des territoires. Fini le temps où chacun payait son propre consultant. Les coûts et les contacts sont partagés. Étonnement, les territoires ont accepté la démarche. Sans doute parce qu’elle est guidée par un collectif avec des acteurs comme les départements, les métropoles, communautés de communes, chambres consulaires, pôles de compétitivité, BPI, ADEME et partenaires institutionnels du développement économique.
Quand une entreprise cherche à s’installer ou grandir, c’est tout un réseau qui se met en chasse de terrains, de locaux et de personnels qualifiés. « On est ainsi en mesure de lui proposer plusieurs options en Région, ce qui permet à l’entreprise de choisir, plutôt que d’aller chercher mieux ailleurs ».
Cela se fait avec « Setting-up », une offre commune de disponibilités immobilières. Avec aussi la centaine « d’ambassad-up », chefs d’entreprises qui mobilisent leurs réseaux pour attirer et accueillir les autres postulantes. « Ils nous alertent aussi sur les demandes que nous n’aurions pas vues ». Car il n’est pas question de laisser passer la moindre chance. Jacques Martinet, conseiller régional et VP de Dev’Up en fait une priorité : « Je vois les élus de tout le territoire, dit-il. Ce n’est pas les uns contre les autres, mais bien avec les autres, pour un partage d’informations et de terrains. Le pire, en ne jouant pas collectif, serait de prendre le risque de laisser partir une entreprise dans une autre région, voire hors de France ».
Cohérence avec l’image d’un territoire
Yvan Saumet, le patron de la CCI de Touraine, relativise : « Il y a moins d’implantation exogène qu’on le pense, dit-il. Il y a parfois des transferts de territoire, mais 95% des implantations de nouvelles entités sont des agrandissements ou des créations nouvelles sur le même territoire. Des LVMH à Vendôme, c’est une fois tous les 50 ans ».
En l’occurrence, Vendôme c’est à la fois le TGV mais aussi un nom prestigieux, en cohérence avec la recherche que mène LVMH et sa création d’ateliers de confections de luxe. Comme on peut vendre la marque Sologne pour des produits de transformation issus de la chasse, les entreprises trouvent souvent une cohérence avec leur territoire.
Le potentiel du bassin de vie, c’est aussi sa capacité à trouver des collaborateurs, exécutants ou encadrants. Ajoutons le réseau de grappes d’entreprises. Le cluster agroalimentaire de Contres en est l’exemple, avec une cellule qui accompagne et facilite l’émergence de projets. Idem pour la Cosmetic Valley.
Ajoutons qu’il peut suffire qu’une personne dirigeante ait une résidence secondaire pour implanter une usine. On se souvient de la naissance du Pôle pharma au nord du Loiret dans les années 60. Plus près de nous l’implantation de Matra en Sologne et Lagardère qui y avait ses habitudes.
Ajoutons les terrains et les locaux disponibles. « De l’’importance d’avoir du foncier », poursuit Yvan Saumet. Aujourd’hui, la loi protège, et c’est bien, l’agriculture. La loi sur l’eau et les corridors écologiques s’invitent aussi. Les terrains doivent enfin être purgés des fouilles archéologiques, et le coût de ces opérations est souvent disqualifiant ».
Si les entreprises sont moins consommatrices de terrain, elles réagissent sur des temps de plus en plus courts. Les EPCI ont appris à construire en un an, on l’a vu pour Rioland à Luçay-le-Mâle.
Mais avoir le terrain ne suffit pas. Il faut aussi des élus politiques et économiques qui croient au projet.
Le Controis fait de la diversité une chance
« Dans ce jeu, entre compétition et bien-être collectif, il faut faire comprendre aux territoires quels sont leurs atouts ; car ils en ont tous », rappelle J.-Louis Garcia.
Exemple criant dans le territoire Controis, en Loir-et-Cher. Chez Jean-Luc Brault, président de la communauté de communes, la décision fut prise, il y a vingt-cinq ans, de miser sur l’agro-alimentaire qui montrait alors des signes avant-coureurs de développement. Depuis, Max Vauché, Marco-Polo Foods, St-Michel, des exploitations maraichères, et même un incubateur : Food Val de Loire pour les Start’up du secteur, ont vu le jour. De 700 salariés il y a vingt ans, l’intercommunalité en compte plus de 3.500 aujourd’hui ! À Contres justement, depuis 10 ans Condigraine collecte, stocke et commercialise des semences. Cette PME très spécialisée travaille avec les agriculteurs pour répondre notamment à la demande de l’agro pharmacie, à la recherche de graines très particulières, riches en protéines ou molécules particulières. Elle réalise ainsi 75% de son chiffre d’affaires à l’export ; et c’est ici, dans une région agricole à la croisée des autoroutes, que partent les produits chez les industriels espagnols et portugais, italiens ou hollandais.
À l’heure où l’entreprise va investir près de 400.000€ dans une seconde ligne de conditionnement et dans un laboratoire de recherche, son dirigeant François Bigot ne s’est pas posé beaucoup de questions, tout au plus celle du terrain. C’est un espace viabilisé qu’il choisira, de la CCI, ou de la com.com. « On n’a pas le temps le faire nous-même », explique François Bigot. À 15€/m2 viabilisé, le prix n’est plus vraiment un frein. « Même si, ajoute-t-il, ce que l’on n’investit pas dans le terrain, c’est autant que l’on mettra dans les machines ».