Si les méthaniseurs savent produire de l’énergie verte à partir des déchets agricoles, on se penche désormais sur nos déchets alimentaires courants. Mais encore faut-il savoir les identifier, les quantifier et les collecter. C’est ce à quoi s’est attelé l’entreprise Axibio, qui a trouvé à Lamotte-Beuvron un formidable terrain d’expérimentation.
Lamotte-Beuvron s’est inscrite au rang des collectivités qui jouent la carte de l’environnement. Après avoir accueilli sur son territoire ce qui est aujourd’hui le plus important méthaniseur de la Région-Centre-Val de Loire, elle tente de faire adhérer ses administrés à la collecte volontaire de bio-déchets. Il faut entendre par là les déchets recyclables issus de notre cuisine, et ceux-là seulement. On en produit jusqu’à 80Kg par an et par personne, soit 1,5kg par semaine.
Petit calcul de CM2 : sachant qu’une tonne de bio-déchet produit environ 720Kw/h, combien de litres de carburant économisés cela représente-t-il ? Réponse : 70 litres soit 1.000 km en voiture. Rapporté à une personne seule, cela peut sembler dérisoire, mais si tout le monde s’y met…
C’est le discours du maire de la commune, Pascal Bioulac, qui en fait une question d’éthique. « Le méthaniseur est un outil formidable, dit-il, mais qu’il faut nourrir chaque jour de l’année. On lui apporte donc en très grande quantité des déchets des cultures végétales, les produits équins de la fédération française d’équitation voisine, et ceux de quelques entreprises partenaires ». Mais durant la période Covid, alors que les activités du parc équestre étaient à l’arrêt, il a fallu produire du végétal pour alimenter le méthaniseur. Une dérive qui pourrait être évitée à condition d’élargir le champ des approvisionnements. D’autant que depuis 2019, la loi autorise GRDF et GRT-GAZ à intégrer du bio-méthane dans leur réseau. Ces gaz verts contribueront ainsi à l’objectif de neutralité carbone voulue par la France à horizon 2050.
Gaïa, mon collecteur intelligent
C’est tout l’enjeu de l’entreprise Axibio qui a développé des collecteurs intelligents de déchets, à placer dans la rue en des lieux stratégiques. L’un des concepteurs, Pierre-André Galy, invite les collectivités à adhérer à la démarche. « Il faut que les citoyens s’y mettent tous ensemble, dit-il. Ceux qui adhèrent ont un « bip » qui leur donne accès au collecteur. Le dépôt de leurs bio-déchets issus de leur cuisine, est pesé et daté, on
appelle cela le monitoring ». Mais mieux encore, pour les restaurants d’entreprises et cantines scolaires, le gérant peut quantifier ses dépôts en comptabilisant séparément les déchets issus de la préparation des repas, et les retours de plateaux. En plus de l’utilité de l’acte citoyen et énergétique, le bénéfice est aussi de réduire ce gaspillage alimentaire.
« Allons plus loin, poursuit P.-André Galy, ce monitoring fait aussi le travail rendu obligatoire par la législation, à savoir le traçage des matières déposées. Car tout ce qui entre dans un méthaniseur doit être parfaitement identifié. Il faut donc que chacun soit responsable de ses gestes citoyens ».
Créée en 2016, l’entreprise fait toute l’ingénierie de ses modèles de bacs en Ile-de-France, et a tissé des partenariats industriels, notamment en Saône-et-Loire, pour la fabrication des collecteurs. Lamotte-Beuvron est devenue une ville test, pour affiner la connectique, les logiciels et la logistique municipale. Axibio est à ce jour la seule entreprise à avoir poussé la réflexion aussi loin, pour qu’à terme, les contributeurs puissent eux aussi être récompensés de leurs efforts par une diminution de leur facture d’assainissement.
Stéphane de Laage