Dossier spécial : Formation professionnelle, ce qui a changé

Contre toute attente l’économie française, est en plein boom. La pénurie de compétences n’est pas limitée aux métiers en tension, mais s’est généralisée à l’économie du pays tout entier.

La formation est une priorité, tant pour l’Etat qui traîne plus de trois millions de chômeurs et pour les entreprises qui ne trouvent pas les salariés formés à leurs demandes. Le système des formations de masse a montré ses limites et l’on parle désormais de formation « inclusive », du cousu main pour que les demandeurs d’emploi trouvent systématiquement un travail à l’issue de leur formation.

C’est toute une organisation qui a été remise à plat par la loi Avenir de 2018. De la collecte des cotisations à l’insertion dans l’entreprise, détail d’un schéma qui a bien changé.

Qu’il s’agisse de la formation des jeunes ou des moins jeunes, elle est par nature un sujet complexe. Car tous les acteurs impliqués, Etat, Régions, Pôle Emploi, branches professionnelles, formateurs ou financeurs, souhaitent logiquement garder la mainmise sur la gestion des parcours.

La Nation est garant de la formation de ses enfants, les Régions de la bonne organisation de cette même formation sur leur territoire, et les branches professionnelles disent que personne mieux qu’elles, connaissent les besoins des entreprises. Quant aux organismes de formation, ils sont attachés à ce que leur activité soit à la fois reconnue, efficace et lucrative.

Au fil des ans, il a fallu se rendre à l’évidence. L’efficacité n’était pas toujours au rendez-vous. Il était reproché aux Régions d’être par trop omniprésentes dans la structuration, de distribuer trop facilement et sous la contrainte politique des subventions qui se sont avérées inefficaces. Les chefs d’entreprise, eux, n’ont que peu de reconnaissance des efforts, parfois vains il est vrai, de Pôle Emploi pour trouver le candidat idoine. Quant aux OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) auxquels cotisaient les entreprises, leur nombre était devenu pléthorique, 23 au total, comme les organismes de formation d’ailleurs, ce qui a eu pour conséquence de diluer les finances, semer la confusion et perdre en efficacité.

Alors en 2018, le législateur a rebattu les cartes. Les OPCA ont dû se regrouper pour ne plus avoir que 11 OPCO (opérateurs de compétence) ; les organismes de formation doivent désormais répondre à des standards plus exigeants ; les financements sont mieux fléchés. Quant aux compétences, elles ont été attribuées différemment : pour faire simple, les régions ont perdu celle de l’apprentissage (les plus jeunes, en CFA et lycées pro.), mais elles ont conservé l’organisation de la formation continue et de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi sur leurs territoires.

Jean-Patrick Gille est vice-président de la région Centre-Val de Loire, en charge de la formation : « Il faut, dit-il, penser la formation en terme de parcours professionnel. De la formation initiale à la formation continue, qui permet d’évoluer ou de changer d’orientation au cours de la vie ». La Région, dans sa compétence nouvelle sur l’orientation, est en quelques sortes l’autorité organisatrice qui doit veiller à ce que les parcours soient les plus efficaces possibles, tant pour les personnes que pour les branches, les finances publiques et celles des entreprises. « Logiquement, poursuit J.-Patrick Gille, c’est dans les territoires qu’on voit le mieux le besoin des entreprises ». De fait, le Centre-Val de Loire est plus industriel que PACA par exemple, et ne nécessite pas les mêmes formations. « Charge donc à la Région de veiller à ce qu’il y ait de bons organismes de formation là où ils sont utiles ». Ceci est d’autant plus vrai maintenant, qu’il est de la responsabilité des régions de former les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi. Pour cela, la collectivité territoriale a développé le dispositif DEFI (Développement de l’emploi par les formations inclusives), et a récemment signé pour cela un PACTE d’investissement dans les compétences (2019-2022), avec l’Etat.

600M€ pour la formation en entreprise

Les entreprises ont l’obligation de former régulièrement leurs salariés. Pour financer ces formations, à compter de 2022 elles cotisent via l’URSSAF, à l’organisme d’Etat France Compétences qui gère le pot commun.

Au bout de la chaîne, ce sont les OPCO, organismes collecteurs de référence, qui perçoivent ces finances pour gérer au plus près la formation. Les TPE de moins de 10 salariés s’en acquittent au taux de 0,55% de leur masse salariale, les plus de 10 à hauteur de 1%. S’ajoute également 0,68% de la masse salariale versés au titre de la taxe d’apprentissage. Ce n’est là qu’un ordre d’idée bien sûr, puisqu’il existe de nombreux aménagements, notamment pour assouplir les franchissements de seuil, le basculement de CDD en CDI et les autres subtilités.

En fait de subtilité, il en est certaines qui ne passent pas bien auprès des dirigeants d’entreprises, à commencer par l’organisation même de la formation en entreprise.

Eric Chevée est vice-président de la CPME, en charge des affaires sociales. Son constat est simple : « on voit qu’il y a près d’un million d’emplois disponibles et trois millions et demi de chômeurs, il y a donc une équation que l’on ne résout pas avec le système actuel ». Avec François Asselin, ils ont donc rencontré Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Lui disant en substance que le système de formation ne fonctionnait pas, même avec 3MD€ d’investissement. « On ne conteste pas l’objectif d’investir dans les compétences, précise Eric Chevée. Mais on fait trop de quantitatif et pas assez de qualitatif. Il est urgent de réorienter l’argent vers la formation professionnelle au sein même des entreprises ». En substance, la CPME pointe une erreur d’approche. « Les demandeurs d’emploi, souvent éloignés du monde de l’entreprise, doivent être formés en entreprises et employables à l’issue ». Et pour cause, les 3MD€ pointés du doigt viennent pour la moitié des entreprises, pris dans le fonds de formation professionnelle. Logique donc qu’ils servent à ces mêmes entreprises.

La CPME a donc demandé et obtenu du Premier ministre, de réorienter 600M€ sur des formations en entreprise. Une formation si possible individuelle, soit une préparation opérationnelle à l’emploi (POE), soit une formation assurée directement sur le poste de travail, par l’entreprise elle-même. C’est ce que l’on appelle l’AFEST, action de formation en situation de travail. Ce qui n’empêche pas le cas échéant d’être complétée d’une autre formation, à l’extérieur cette fois, par des organismes de formation. Exemple : un hôtel qui a besoin d’un agent d’accueil peut le former sur site,  et compléter ces compétences de base par la maîtrise de l’anglais en extérieur.

Les 600M€ pourront donc servir à payer les formateurs des organismes dédiés et des tuteurs en entreprise […]

Dossier spécial réalisé par Stéphane De Laage. 

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