Porté par la reprise et les politiques publiques, le secteur du BTP fait face à une forte demande, que la pénurie de main d’œuvre et les difficultés d’approvisionnement viennent toutefois contrarier (et faire grimper les factures). La preuve par l’exemple, avec l’entreprise vendômoise Isoscop.
« Dans le bâtiment, les carnets de commande […] sont toujours proches de leur maximum historique. En revanche, la production est toujours contrainte par des difficultés de recrutement et d’approvisionnement persistantes, qui retardent les chantiers en cours et ne permettent pas de faire face à la totalité de la demande. Les chefs d’entreprise signalent une nouvelle hausse des prix des devis ». Ces quelques lignes issues de la dernière note de conjoncture économique en région Centre-Val de Loire de la Banque de France, publiée le 14 octobre dernier, pourraient avoir été rédigées par Yann Fromager, dirigeant d’Isoscop, entreprise spécialisée dans la rénovation énergétique, tant elles reflètent sa situation.
La main d’œuvre manque alors que la demande explose
Créée en 2015 à Vendôme, l’entreprise compte déjà plus d’une quinzaine de collaborateurs, mais, comme les autres, peine à recruter. « La pénurie de main d’œuvre n’est pas nouvelle, mais devient préoccupante. Nous recherchons désespérément un charpentier-couvreur, ou juste un couvreur au pire, sans succès », prend exemple le dirigeant, dont le carnet de commandes ne désemplit pas, après une année 2020 « compliquée ».
L’activité est soutenue par les politiques publiques, qui multiplient les dispositifs d’aides à la rénovation énergétique dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. On pense évidemment à l’opération « isolation à 1 € », désormais close, qui a beaucoup attiré l’attention. Pas toujours pour de bonnes raisons d’ailleurs : harcèlement commercial, prestations médiocres, voire même dangereuses, ont été régulièrement décriées. À tort en ce qui concerne Isoscop : « Nous n’avons pas investi ce segment du marché, volontairement. Nous sommes attachés à délivrer des prestations de qualité, notamment en privilégiant une approche écologique visant tant la nature des matériaux utilisés (laine de chanvre, liège…) que leur mise en œuvre ou l’approvisionnement. Tout ceci a un coût », explique le dirigeant, qui relève néanmoins qu’il « existe toujours des aides à la rénovation pour tous les foyers, certes à des degrés divers ».
Cette jeune entreprise est également portée par une politique de communication résolument dynamique. Le pingouin qui la symbolise délaisse régulièrement la banquise pour prendre pied dans les colonnes de la presse locale, les salles de cinéma et autres opérations de sponsoring. Une pratique qui détonne… et qui ne va pas sans susciter quelques grincements de dents. « Pas plus qu’un autre, le secteur du BTP ne peut pas vivre en marge de la société. Il doit vivre avec son temps. Le savoir-faire ne suffit pas, il faut le faire-savoir. C’est aussi là que se joue l’attractivité du secteur auprès des jeunes », défend – plus qu’il ne se défend – Yann Fromager, toujours à l’offensive. L’entreprise vient ainsi de prendre place, en pleine crise sanitaire, dans des locaux flambant neufs.
Difficultés d’approvisionnement et hausse des prix
Pour l’heure, son essor souffre peu des problèmes d’approvisionnement qui frappent parfois lourdement certains de ses confrères, « obligés de rester chez eux, faute des matériaux nécessaires. Nous avons énormément anticipé, en reconstituant nos stocks avant la reprise afin d’éviter pénurie et envolée des prix » (mais sans doute en y contribuant…), explique Yann Fromager. « L’entreprise a pu bénéficier du précieux concours de la coopérative COBAT 41, dont elle est adhérente », précise-t-il. Ce grossiste en bois et matériaux de construction a construit en 2018 une plate-forme de stockage de matériaux à Épuisay, au nord de Vendôme, sur la route liant Orléans au Mans.
Il avoue néanmoins être lui-aussi contraint de revoir ses tarifs, afin de tenir compte du renchérissement continu des fournitures – sans parler de celui de l’énergie. « Même si nous essayons de minimiser au maximum le temps s’écoulant entre la signature d’un devis et le début des prestations, il y a toujours un délai ». Or il n’escompte pas d’amélioration de la situation à court terme. « Pas avant fin 2022- 2023″estime-t-il.
Par Frédéric Fortin