Parmi les premiers sites qui ont ouvert en mai, on trouve les jardins du château de Villandry. © iStock
Depuis le 11 mai, certains châteaux et sites touristiques peuvent ouvrir en Centre-Val de Loire sous réserve du respect des mesures sanitaires. Mais beaucoup connaissent déjà une chute de leur chiffre d’affaires et sans un fort afflux de visiteurs, ils pourraient continuer d’être déficitaires.
Après les longs mois d’hiver, durant lesquels les touristes désertent les sites historiques, les châteaux du Val de Loire ont fermé leurs lourdes portes au petit matin du 15 mars. Pour beaucoup, le début de l’année annonçait une sacrée saison, comme au château de Meung-sur-Loire (Loiret) où les visites avaient repris à la mi-février, et encore au château de Villandry (Indre-et-Loire), qui avait « très bien démarré » l’année. Pendant les deux mois de confinement, de la mi-mars à la mi-mai, les sites historiques et patrimoniaux ont souffert. Le château royal de Blois (Loir-et-Cher) enregistre déjà une chute de 20% de son chiffre d’affaires annuel. Les monuments historiques, qu’ils soient publics ou privés, ne dorment jamais. Ils ont besoin d’être chauffés afin d’éviter l’humidité, d’être rénovés, de voir leurs jardins entretenus. Pour réduire les dépenses, les équipes ont alors dû être drastiquement réduites à quelques jardiniers, parfois un personnel administratif. Environ la moitié des personnels des châteaux reste au chômage partiel malgré les réouvertures de la mi-mai. L’objectif est bien de conserver les emplois malgré la crise économique qui arrive. « On navigue à vue, souligne Xavier Lelevé, propriétaire du château de Meung-sur-Loire. Il a fallu profiter de la fermeture forcée pour améliorer l’offre touristique en ouvrant une nouvelle salle, sinon, c’eût été mortifère. »
Suite à des arrêtés préfectoraux et à la signature du référentiel des mesures sanitaires, le parc de Chambord, les jardins de Chaumont-sur-Loire, ceux de Villandry, la Pagode de Chanteloup, et une trentaine d’autres sites ont pu de nouveau ouvrir depuis le 11 mai. Les dates d’ouverture diffèrent selon les châteaux et monuments. Les uns ont été prêts dès le week-end suivant ; les autres, deux semaines plus tard. Car pour permettre aux visiteurs de revenir entre leurs murs, un protocole de protection sanitaire a dû être mis en place. Entre le gel hydroalcoolique, les centaines de masques pour les personnels voire les visiteurs eux-mêmes, les vitres de séparation aux billetteries, les modifications de parcours afin qu’il n’y ait pas de croisement d’individus… En plus d’être déficitaires pour les mois de printemps, les châteaux paient le lourd coût sanitaire de leur établissement. Des dépenses s’ajoutent au fonctionnement « normal ». Pour veiller au respect des règles sanitaires et des gestes barrières, les forces de l’ordre sont autorisées à contrôler les sites ouverts. L’organisation même des châteaux a évolué. Si, à Villandry, les visites guidées sont annulées, à Meung-sur-Loire il a simplement été décidé de limiter le nombre de personnes à neuf dans un même groupe. Une fois les questions sanitaires résolues, la période estivale reste tout de même une véritable interrogation.
Les touristes pourraient être moins nombreux
Va-t-on voir revenir, en Centre-Val de Loire, les millions de touristes annuels ? Il est aujourd’hui impossible de prédire l’avenir touristique du territoire. Simplement, dans notre région, 83% des touristes font un tour dans les châteaux et monuments ; puis viennent les parcs et jardins. Selon l’observatoire régional du tourisme, 30% des visiteurs sont étrangers, notamment venus d’Allemagne, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la Belgique. Ceux-ci représentent, pour exemple, environ la moitié des visiteurs du château de Villandry. A l’heure actuelle, la France espère une ouverture partielle des frontières européennes à partir du 15 juin. Mais rien n’est sûr car aucun pays européen n’est en accord sur le déconfinement des populations. « On espère accueillir la moitié de visiteurs de la période classique, avance Henri Carvallo, propriétaire du château de Villandry. Le fait de pouvoir ouvrir ne signifie pas que les touristes vont venir. Le 18 mai dernier, 45 personnes ont visité les jardins de Villandry. A la même date, l’année dernière, elles étaient plus de 1250. » Reste que les Français ont besoin de sortir, de se balader, de se tourner vers la culture, le patrimoine, la nature. Les sites historiques et patrimoniaux du Centre-Val de Loire connaissent, et vont connaitre, une chute de chiffre d’affaires cet été. Peut-être que cette perte sera « partiellement compensée par les hyper-locaux » venus découvrir leur patrimoine local. Si la Région communique sur l’offre touristique du territoire, les autres régions en font de même. La concurrence est rude en termes de tourisme. Les Français iront-ils randonner en montagne, bronzer sur la plage ou déambuler dans les châteaux du Val de Loire ? En septembre prochain, l’heure du bilan permettra d’y voir plus clair sur la crise économique que traverse le secteur touristique. D’ici là, ses acteurs retroussent leurs manches et se remettent doucement de la brutalité du confinement.
Par Claire Seznec