Le challenge Transmanche, c’est l’aventure extraordinaire d’une héroïne « ordinaire » (enfin, selon elle…). Lorsqu’elle se fixe le défi de traverser le Channel à la nage – et en maillot de bain, non en combinaison –, Véronique Robin, 45 ans alors, n’a plus nagé depuis ses 18 ans ! Et son quotidien de cadre d’entreprise et de mère de famille ne lui laisse guère le temps de courir la campagne.
Véronique, indéfectible sourire aux lèvres, avoue alors « quelques kilos en trop », indispensables néanmoins quand on veut affronter une eau à 18° – et même de moins de 15,5° pendant un test préalable nécessaire de six heures ! « C’est en allant faire quelques longueurs avec Ludovic Chorgnon, qui préparait son Défi 41, que j’ai repris le goût de la natation », confesse-t-elle. La folie de « Ludo le fou » étant sans doute contagieuse, sourd rapidement l’idée de traverser la Manche : « C’était un rêve de gamine, quand je passais enfant mes vacances en Normandie ». Préparant alors un certificat de préparateur mental sportif, Véronique connaît l’importance de donner un sens à un tel défi pour avoir une chance de le relever : « Je ne voulais pas en faire un truc égoïste. J’ai donc cherché une cause que je pouvais par ce biais mettre un peu en lumière. Mon père est décédé d’un cancer de l’amiante. Ingénieur chez Alstom, il avait participé à la création du TGV Paris-Londres…qui s’appelait alors le Transmanche. Puis, j’ai découvert que le CHU de Lille travaillait sur le mésothéliome pleural malin, qui avait eu raison de Papa. Or, mon père est né à Lille… ». La cause trouvée*, et ragaillardie par « l’accueil extraordinaire que m’ont réservé le professeur Scherpereel et ses équipes », Véronique se jette à l’eau, où elle enchaîne les heures. Puis les déboires : le covid d’abord, qui reporte une première fois l’échéance : « Je ne me voyais pas repartir », avoue la nageuse, qui plie, mais ne sombre pas. Une épaule en délicatesse ensuite – à tel point qu’on lui pronostiquera un temps qu’elle ne pourrait plus jamais nager – lui fait à nouveau boire la tasse, la privant d’entraînement pendant plusieurs mois et instillant le doute, ce poison lent. La météo enfin, qui reporte le coup d’envoi une première fois de juillet à septembre dernier, puis une seconde fois, au dernier moment, d’une nouvelle semaine : « L’équipe qui patientait en Angleterre doit alors rentrer en France et je me retrouve seule… C’est le coup de massue ! ». Mais, comme à chaque fois, Véronique ressort la tête de l’eau et s’élance, enfin, le 20 septembre. 16h43 plus tard, elle devient la 7e française à réussir cette traversée en maillot – la première cinquantenaire. Un véritable exploit – d’autant plus au regard de l’usure physique et mentale de ces multiples reports – qui n’entame nullement la simplicité de la nageuse. Une héroïne ordinairement extraordinaire !
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Frédéric Fortin