Vendôme sort les forceps pour sauver sa maternité

Vendôme

Panique à la clinique du Saint-Cœur, qui voit l’autorisation de sa maternité menacée de suspension par l’agence régionale de santé, faute d’effectifs suffisants. Pour écarter le danger, clinique et hôpital font front commun. Une alliance d’autant plus indispensable que sans maternité, le projet de site unique entre ces établissements risque fort d’être mort-né.

 

Branle-bas de combat ce 10 février dans le bureau du maire de Vendôme, Laurent Brillard. S’y pressent notamment le président du conseil départemental Philippe Gouet, la directrice de la clinique du Saint-Cœur Carine Raffin-Peyloz, la directrice de l’hôpital Valérie Boismartel, les représentants de la communauté médicale de ces deux établissements, les Dr Antoine Abi Fadel et Mounir Hilal et, en visio, le député Christophe Marion ainsi que l’ancien ministre Yves Jégo, désormais délégué général du groupe Avec, propriétaire de la clinique. « Il est rare que tout l’écosystème de santé et politique soit ainsi réuni », souligne ce dernier. Ce « front commun » montre que l’heure est grave. L’agence régionale de santé menace de retirer l’autorisation de la maternité du Saint-Cœur, faute d’effectifs suffisants pour garantir la sécurité et la qualité des prises en charge. L’expérience de la maternité de l’hôpital de Châteaudun – qui a vu son autorisation suspendue en 2018, pour n’être désormais qu’un centre périnatal de proximité – invite à prendre la menace très au sérieux. D’autant que les enjeux dépassent le seul maintien de la maternité. Si ce domino tombe, il risque fort d’entraîner dans sa chute le projet de site unique – qui réunirait la clinique, l’hôpital et l’hospitalet de Montoire. Un non-sens pour Laurent Brillard, qui rappelle que ce projet « a été inscrit dans le Ségur de la santé, grâce au préfet ». « Un site validé par une étude de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, mandaté par l’ARS », appuie Carine Raffin-Peyloz. Et qui, s’il devait ne pas voir le jour, « serait une catastrophe pour le territoire », prédit Yves Jégo.

 

« Nous avons des naissances ! »

L’activité de la maternité n’est pas en cause : « Nous avons des naissances ! », souligne Philippe Gouet. Il précise que « le taux de fécondité dans le département est de 2, quand la moyenne nationale n’est que de 1,7 ». « La clinique a assuré 546 accouchements en 2022. Le chiffre est stable, toujours autour de 550 naissances », confirme Carine Raffin-Peyloz. « Comme pour toutes les maternités de France, la difficulté tient à la pénurie de professionnels de santé », explique Yves Jégo, qui relève d’ailleurs que « les territoires se vampirisent les uns les autres ». La clinique doit faire face aux départs en retraite de ses gynécologues-obstétriciens et peine à en recruter de nouveaux. « Les professionnels ne veulent plus exercer en libéral. La charge du planning est lourde et la responsabilité trop grande, ce qui conduit à des assurances très élevées. Ils préfèrent être salariés. Et les établissements privés sont moins attractifs que le statut public », enseigne Carine Raffin-Peyloz. Pour faire face, clinique et hôpital ont donc décidé de joindre une nouvelle fois leurs forces. « Cela fait 20 ans que nous travaillons ensemble », souligne le Dr Hilal.

D’abord, en joignant leurs réseaux pour attirer en urgence de nouveaux praticiens. « Un premier gynécologue-obstétricien arrivera à temps plein en mars et deux autres exerçant à temps partiel le rejoindront sous peu », indique le Dr Abi Fadel. Le premier sera salarié de la clinique, les deux autres souhaitant être professionnels hospitaliers. En outre, les deux gynécologues-obstétriciens qui devaient partir en retraite en avril ont accepté de jouer les prolongations jusqu’en juillet (et même fin septembre pour l’un). Ensuite, en prévoyant le transfert de l’autorisation de la clinique vers l’hôpital. « Dans l’attente du site unique, on louerait les locaux de la clinique », précise Valérie Boismartel. L’hôpital reprendrait en outre le personnel de la clinique lié à cette activité.

 

L’hôpital de Blois accusé de tirer la couverture à lui

Reste à convaincre l’ARS de la viabilité de ces deux solutions « L’échéance majeure, c’est fin février », souligne Christophe Marion, qui se veut optimiste : « Nous avons les éléments pour montrer qu’on est déjà prêts». Contactés par L’Épicentre le 18 février, les services de l’ARS indiquent que le dossier « fait toujours l’objet d’échanges entre les différents acteurs concernés » et qu’ils ne sont pas encore en mesure « de donner une date quant à une éventuelle décision de l’agence ». Si elle devait être négative, « l’ARS porterait une lourde responsabilité en laissant fuir ces trois spécialistes », avertit déjà Philippe Gouet.

Quant au transfert d’autorisation vers l’hôpital vendômois, le député se veut également rassurant : « La situation du centre hospitalier de Vendôme est saine ». Il concède néanmoins que « l’ARS envisagerait probablement un transfert vers l’hôpital de Blois », lui-même soupçonné de vouloir tirer la couverture à lui. « L’État a mis en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT) à l’échelle du département pour coordonner les établissements de santé. Ils reposent sur un établissement support – l’hôpital de Blois en Loir-et-Cher. Le risque est que cet établissement support prenne trop d’importance, décrypte l’élu. Oui au GHT pour coordonner. Non au GHT qui serait uniquement au service de l’établissement support ! », prévient-il. D’autant que, si « le directeur de l’hôpital de Blois affirme qu’il a aujourd’hui les capacités à récupérer l’activité, on a des doutes », confie le député.

Pour l’heure, c’est la maternité du Saint-Cœur qui connaît des difficultés. Elle manque de sages-femmes, difficiles à attirer tant que le maintien de la maternité n’est pas acté. Le 17 février dernier, la clinique annonçait ainsi qu’elle ne pourrait « accueillir les mamans qui accoucheront entre le 20 février 20h et le 26 février 8h » (ce fut déjà le cas en janvier et en août derniers). Dans ce laps de temps, ces dernières peuvent se tourner vers la polyclinique blésoise, avec laquelle le Saint-Cœur a mis en place une convention d’accueil, ou tout autre établissement.

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