On estime à 30 % les entreprises familiales qui franchissent la deuxième génération et à seulement 10 % celles qui survivent à la troisième. Nous nous sommes intéressés à ces success stories et à leurs clés de réussite. Pour cette édition estivale, nous avons rencontré Constance et Charles-Antoine De Vibraye, les propriétaires du domaine de Cheverny. Ils incarnent la deuxième génération du site touristique, ouvert au public en 1922 par Philippe De Vibraye, leur grand-oncle. Porteurs de cet héritage patrimonial, ils ont su le conserver tout en le développant davantage par le tourisme. Châtelains et chefs d’entreprises, ce sont avant tout des passionnés qui ont à cœur de partager leur entrain communicatif avec leurs trois enfants.
Un patrimoine avant une entreprise
Depuis plus de six siècles, le château de Cheverny appartient à la famille des Hurault de Vibraye. Le domaine ayant toujours été habité, les différents propriétaires l’ont fait évoluer au cours de l’Histoire. Résider sur place pour mieux s’en imprégner, voici une des clés, qui, selon la marquise Constance de Vibraye, permet de transmettre l’attachement sentimental : « Nous avons fait le choix d’habiter dans le château avec nos enfants, il le fallait pour l’avoir dans la peau et faire en sorte que ce quotidien peu banal devienne la normalité ». Quant au marquis, Charles-Antoine de Vibraye, il affirme que le fait d’avoir baigné dès le plus jeune âge dans ce quotidien lui a permis d’avoir des automatismes et des bases notamment en matière de gestion. « Ensuite, on compte sur la mémoire orale de tout le personnel pour transmettre ». D’une quarantaine d’employés à leur reprise dans les années quatre-vingt-dix, l’entreprise a bien prospéré, avec plus d’une soixantaine aujourd’hui en saison haute.
Entre traditions et évolutions
Les De Vibraye forment un duo de dirigeants très complémentaires : si le débit de paroles (rapide) de Charles-Antoine pourrait laisser penser qu’il est le créatif du couple, détrompez-vous ! Il s’attèle plutôt à la gestion : « Ma femme s’occupe de tout ce qui se voit et moi de ce qui ne se voit pas, plaisante-t-il avant de préciser, elle est visionnaire, c’est elle la commerciale de l’entreprise ». C’est d’ailleurs une des recettes du succès de l’entreprise : la capacité de la famille à bousculer les traditions et à les adapter. Exemple avec l’orangerie du château, que Philippe de Vibraye avait mis en location pour accueillir des congrès ou des mariages et que les propriétaires actuels ont décidé de reconvertir en salon de thé et espace de restauration.
La transmission
Faire en sorte que ces instincts et ces savoir-faire perdurent n’est pas une mince affaire, surtout lorsque le poids des ancêtres peut être lourd. « Pour consolider notre famille, nous nous sommes toujours imposés de prendre des vacances inclusives, uniquement avec nos trois enfants. C’est pendant ces moments-là qu’on a pu prendre du recul, échanger avec eux et prendre nos décisions importantes vis-à-vis du château. Nous les avons toujours inclus dans nos conversations, dès le plus jeune âge et nous ne leur avons jamais caché les difficultés. », confie Constance de Vibraye. Leurs trois enfants, Isaure, Eugénie et Maximilien, sont profondément attachés à leur héritage familial et s’impliquent naturellement dans la gestion du domaine. Pour le fils de la fratrie, cette envie est plus affirmée. S’il est encore en études, la passion du château est bien ancrée en lui. « Il est passionné, il n’a qu’une seule envie, celle de venir travailler avec nous. Pour qu’il se sente impliqué, on l’écoute, on l’encourage et on met en pratique ses idées, même si on est parfois obligé de le freiner dans ses projets. Prendre notre retraite, on y pense déjà, mais il faut savoir partir au bon moment, quand il sera suffisamment rassuré », concluent avec sagesse les châtelains de Cheverny.
Émilie Marmion
