La région Centre-Val de Loire est-elle « moche » ?

Frédéric Skarbek, président de l’Ordre des architectes Centre-Val de Loire.
Frédéric Skarbek, président de l’Ordre des architectes Centre-Val de Loire.

La formule « France moche » est apparue le 12 février 2010, dans une enquête du magazine Télérama sur les effets de l’étalement urbain. Elle est aujourd’hui très présente dans le discours médiatique. Cette expression un brin provocatrice s’applique-t-elle à la région Centre-Val de Loire ?

Plusieurs villes en région Centre-Val de Loire, comme Tours et Orléans, ont déjà été épinglées par le compte X, anciennement Twitter, @lafrancemoche. La ville de Saint-Jean-de-la-Ruelle (45) a reçu en 2020 le prix de la (triste) banalité décernée par l’association Paysages de France. Avec ce prix, ce sont surtout la pollution visuelle et les nombreux panneaux publicitaires aux entrées de la ville qui avaient été critiqués.

Solidité, utilité et beauté

Grégoire Bruzulier, directeur du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Loir-et-Cher (CAUE 41), distingue le Beau du goût. Contrairement au goût, le Beau et le moche semblent universels : quand on parle de France moche, « tout le monde trouve ces espaces moches. Le Beau est synonyme d’homogénéité, d’harmonie. La symétrie est belle. Ce qui est moche ne rentre pas dans les codes, est mal proportionné, mal conçu. »

Le directeur explique que, selon le Traité de Vitruve, du nom d’un architecte de la Rome antique, une structure doit présenter trois qualités : la solidité, l’utilité et la beauté. Certains semblent donc avoir oublié cette dernière. « Il y a un sentiment généralisé de perte de qualité dans les formes d’architecture et d’urbanisme. On n’a pas pensé la ville, on l’a produite. On n’a pas fait du moche par volonté, on a laissé une France moche se faire. Il faut introduire une notion de qualité. Une ville belle est une ville attractive. À l’avenir, on ne peut pas faire autrement que mieux penser la ville. »

La France moche renvoie notamment aux zones commerciales et zones d’activités peu esthétiques, qui réunissent ce que certains appellent des « hangars décorés ». Dans ces zones, « on consomme [de l’espace] petit à petit, sans vision d’ensemble. On choisit la solution de facilité. On a besoin de place, on va la chercher. »

Recréer une mixité

Selon Frédéric Skarbek, président de l’Ordre des architectes Centre-Val de Loire, « à chaque fois qu’on arrive dans une ville, on a toujours la même vision. Ces zones ont été construites sur d’anciennes terres agricoles. Cela prendra des années pour recultiver. Dès qu’il y a une sortie d’autoroute, on peut être sûr qu’il n’y aura plus de terres agricoles. La région Centre-Val de Loire risque d’être encore plus touchée à cause de sa proximité avec Paris. »

Pour le président, l’objectif principal est de recréer une mixité entre commerces, bureaux, logements et transports : « Il est difficile de circuler à pied dans ces zones. Les gens vont faire leurs courses en voiture. La France moche vide les centres-villes, et beaucoup de boutiques ferment. Mais, si ça existe, c’est qu’il y a eu une demande à un moment donné. Il faut aussi redévelopper la mobilité dans toutes ces zones commerciales. En semaine, ces zones sont mortes car les gens y vont le week-end ». Selon lui, l’une des solutions serait de réhabiliter les bâtiments vides plutôt que de les démolir ou reconstruire à côté.

En septembre dernier, le gouvernement a présenté un plan visant à transformer, moderniser et embellir ces zones commerciales. Un appel à projets de 24 millions d’euros a été lancé. Problème : la majorité des terrains sont privés. La capacité de levier de l’État et des communes semble donc limitée.

Maxence Yvernault

Grégoire Bruzulier, directeur du CAUE 41.
Grégoire Bruzulier, directeur du CAUE 41.
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