On estime à 30 % les entreprises familiales qui franchissent la deuxième génération, et à seulement 10 % celles qui survivent à la troisième. Nous nous sommes intéressés à ces success stories et à leurs clés de réussite. Ce mois-ci, nous battons tous les records avec la famille Colin, qui perpétue la tradition de la terre depuis neuf générations ! Ils sont installés dans le charmant petit village de Thoré-la-Rochette, situé dans la vallée du Loir, à quelques kilomètres de la ville de Vendôme. Nous avons rencontré Pierre-François et son père Patrice.
Si aujourd’hui les Colin sont entièrement tournés vers les vignes, ça n’a pas toujours été le cas. En effet, leurs ancêtres paysans, à l’origine de la ferme (en 1735), étaient, comme dans la plupart des campagnes, axés sur de la polyculture. Comprenez un peu d’élevage, un peu de cultures céréalières, maraîchères et de viticulture. C’est dans les années 1900 qu’Émilien Colin a donné un coup d’accélérateur à l’exploitation viticole en développant la vente en direct du vin produit sur le domaine. Dès lors, la ferme s’est spécialisée dans cette voie au fil des générations. Chacun ayant apporté sa pierre à l’édifice pour la développer et marquer de son empreinte l’héritage familial, entre tradition et modernité. « C’est vrai que reprendre après huit générations peut faire peur, confie Pierre-François, à la tête du domaine depuis 2018, mais je pense qu’il vaut mieux éviter d’y penser. Le patrimoine, il est là, on le voit tous les jours, ce sont nos pieds de vieilles vignes. Si tu reprends l’exploitation juste pour suivre la tradition familiale et faire plaisir, ça ne marchera pas. La motivation première doit être la passion. » Qu’il s’agisse de lui ou de son père Patrice, aucun des deux n’a été forcé de reprendre l’entreprise familiale. C’est bien la passion qui les a fait rester et leur a donné envie de s’installer, à chaque fois au moment des vendanges. D’ailleurs, leurs frères et sœurs respectifs auraient très bien pu reprendre, mais leurs envies ont été différentes. « Mes parents pensaient que j’allais revenir au domaine, mais ça n’a pas été une évidence tout de suite », témoigne Patrice.
L’ouverture d’esprit comme clé de réussite
Patrice s’est retrouvé dans la viticulture un peu par hasard : « J’étais le plus nul de la classe, alors, mon père m’a dit “tu iras en école agricole”, confie-t-il en se remémorant le passé. Là-bas, j’ai suivi un bon copain qui voulait faire viticulture. Ensuite, j’ai poursuivi mes études en œnologie. J’ai multiplié les stages chez des vignerons partout en France et, plus tard, en Suisse et en Allemagne. J’avais envie de comprendre comment ils avaient bâti leur réputation, sur quoi ça reposait et comment ils la valorisaient. J’ai découvert des passionnés qui fabriquaient des vins naturels, très représentatifs de leur terroir. C’est comme ça que j’ai développé mes compétences en biodynamie. » Pierre-François s’est également forgé sa propre expérience, en parcourant le monde (France, Australie, Nouvelle-Zélande) et en prenant le savoir des anciens. « Je suis le plus jeune du domaine. On a un salarié, Gilles, qui est ici depuis plus de trente ans, c’est mon pilier. Il a une parfaite connaissance de la terre et des vignes. C’est important de reconnaître les compétences de son équipe et d’être conscient de ses propres limites », avoue-t-il.
Savoir s’entourer et faire confiance, être curieux, observer, écouter pour se nourrir des uns et des autres afin de perpétuer la tradition familiale tout en développant l’entreprise, c’est la manière dont Pierre-François souhaite diriger le Domaine Colin, comme son père Patrice a pu le faire auparavant.
Émilie Marmion