Un décor signé Frédéric Bertin, à l’époque où les évènements pouvaient avoir lieu.
Les rassemblements étant interdits depuis le 30 octobre 2020, les professionnels de l’événementiel voient le temps s’étirer… Sans savoir quand reprendra leur activité. Nous sommes allés à la rencontre de certains d’entre eux, particulièrement fragilisés par le fait que leur activité repose – en partie pour certains, en totalité pour d’autres – sur les mariages.
Si Marie Marceul, gérante de l’entreprise de traiteur et d’organisation d’événements Marceul Réceptions, est une éternelle optimiste, elle ne cache pas les difficultés que traverse son entreprise actuellement. « Depuis mars 2020, on accuse une baisse de – 80 % du chiffre d’affaires », glisse-t-elle, précisant que c’est l’activité partielle qui lui a permis de maintenir les effectifs. Des salariés, 5 au total, qu’elle espère bien avoir à ses côtés au moment de la reprise : « L’espoir fait vivre… Un jour, on va reprendre une activité normale et mes équipes seront vitales », justifie celle qui, en attendant, a dû se réinventer et adapter ses services au contexte sanitaire. Un plan B développé dès le mois de mars 2020, reposant sur la livraison de plateaux repas en entreprise et celle de box cocktail individuelles. Des propositions qui ne remplacent pas les pertes de chiffre d’affaires subies suite à l’annulation ou au report des mariages prévus en 2020 et début 2021, mais qui permettent tout de même de rester dans une dynamique positive. Quant à ceux prévus en avril, mai, juin, Marie Marceul tient à rassurer : ils pourront être décalés sans frais. « Je veux montrer à mes clients que l’on est prêts à les accompagner quoiqu’il en coûte », explique la gérante de Marceul Réceptions, reprenant malicieusement la formule utilisée par le gouvernement pour évoquer le soutien apporté à l’économie en cette période de crise.
Côté lieux de réception, on accuse aussi le coup. Sylvie Suzanne, gérante du domaine des Bidaudières à Vouvray, commence à reporter les reports – oui, vous avez bien lu… – de l’année dernière au mois d’octobre prochain. Sur les 25 mariages prévus en 2020, seuls 11 ont pu avoir lieu, et la saison 2021 n’a pas encore commencé. « Les mariés d’avril qui en sont à leur 2e report y croient encore, tout comme ceux dont le mariage est prévu l’été prochain », précise-t-elle, mettant également en avant la difficulté des couples récemment fiancés à s’engager. Actuellement, seuls deux contrats ont été signés pour 2022, et il s’agit non plus de mariages à 180 invités, mais plutôt à 70 voire 30. Quant à adapter son offre pour s’ouvrir à de nouvelles opportunités, Sylvie Suzanne n’en a pas la possibilité, son domaine n’étant pas assez fourni en chambres pour accueillir des séminaires. « Ce qui est casse-pieds, c’est de ne pas savoir à quoi vont ressembler les prochaines semaines », conclut-elle. `
Sur ce point, Grégoire Monteau, gérant de la société BGM Organisation spécialisée dans la location de matériel de réception et l’organisation d’événements, la rejoint. Il se souvient que l’été dernier, à la sortie du premier confinement, les Français avaient envie de prévoir des petits rassemblements pour fêter leurs retrouvailles. « Comme cela fait un petit moment que la crise dure, ils ne veulent plus prendre ce risque aujourd’hui », regrette-t-il. Autre sujet : les mesures sanitaires, que les professionnels de l’événementiel savent évidemment faire respecter, mais qui rendent les événements « nettement moins festifs » qu’ils ne l’étaient avant la crise, et dissuadent les clients de les organiser. Dans l’attente de la reprise, le père de famille a souscrit à des PGE et espère bien être présent au moment de la reprise.
La situation pèse sur les photographes
Si les photographes ne sont pas forcément ceux auxquels on pense en premier lorsque l’on s’intéresse aux professionnels de l’événementiel, ils sont pourtant essentiels à tous ceux qui souhaitent immortaliser leur mariage… Et subissent par conséquent la crise de plein fouet. Pierre et Julia Tridard, à l’origine de la société Pierre et Julia Photographes, le sont d’autant plus qu’ils travaillent essentiellement avec des mariés. « Nous avons connu une chute assez vertigineuse de notre chiffre d’affaires, et par conséquent, reporté nos amortissements », raconte le couple, qui a récemment investi dans du matériel vidéo qu’il ne pourra sûrement pas amortir avant 2022. Autre caillou dans la chaussure du duo : l’immobilisme auquel le monde est contraint en cette période de pandémie, alors que sa clientèle est d’ordinaire composée de nombreux couples anglophones. « Entre la fermeture des frontières décidée par les États-Unis et le Brexit, les wedding planners avec lesquels on travaille habituellement nous adressent très peu de clients anglophones », se désolent Pierre et Julia Tridard, qui en attendant les mariages, ont ouvert un studio à leur domicile.
Miser sur des activités plus porteuses, c’est également le choix qu’a fait Alexandre Yagoubi, photographe à Tours. En 2020, il n’a pu couvrir que 4 mariages sur les 15 prévus, et s’est donc consacré à la photographie immobilière et au packshot. Ce qu’il craint, c’est le temps de latence qui pourrait faire suite aux annonces du gouvernement : « En général, on a une inertie de 6 mois. Si tout revient à la normale en juin prochain, on signera des contrats pour Noël ou avril 2022 », expose-t-il, craignant que les aides du gouvernement ne s’arrêtent bien avant cette reprise effective de l’activité.
Quand la crise altère la créativité
Pour Frédéric Bertin, fleuriste, décorateur et styliste spécialisé dans la décoration d’événements – et notamment de mariages –, être à l’arrêt signifie aussi renoncer à une partie de lui. « Comme beaucoup de créatifs, je suis figé, suspendu », raconte celui pour qui créer est une raison d’être. Installé à Noizay, entre Tours et Amboise, il prend son mal en patience en ouvrant son atelier au public, en proposant des bouquets d’anniversaire… Pour lesquels il laisse s’exprimer sa créativité, mais qui ne remplacent pas le vide laissé par les nombreux événements annulés. D’autant que, pour se faire connaître hors des circuits événementiels souvent alimentés par le bouche-à-oreille, il faut savoir communiquer, parler de soi, se vendre. « Un exercice que je ne sais pas faire, parce que ce n’est pas mon métier », regrette celui qui prend bien plus de plaisir à jouer avec le végétal qu’à faire sa propre publicité. Reste à savoir quand il pourra à nouveau exercer son métier pour « vendre du rêve » comme il aime poétiquement à le dire.
Par Juliette Lécureuil