Dossier Spécial : Mobilités, le casse-tête du siècle

Il fallait quatre heures en 1840 pour rallier Tours ou Orléans à Paris. La distance est aujourd’hui couverte en une heure. On aurait pu le faire en 20 minutes avec l’aérotrain… Question de choix politique. Les lois NOTRe et autre MOB, ont donné aux collectivités le soin d’organiser les mobilités. Si toutes ont leur vision de l’aménagement de leur territoire, elles ont aussi toutes la même équation à résoudre : être en lien les unes avec les autres tout en protégeant la planète. La voiture et le camion ont un temps effacé les voies navigables, le train, et même le tramway. Mais voilà que l’on revient aux fondamentaux. Il faut en plus aller vite, et contenter chacun sans bourse délier. À l’image du mixte énergétique, l’intermodalité s’impose. Il n’y a pas une, mais des solutions. Qu’on se le dise, notre système de transports est une exception française qui nous offre un réseau de très bonne qualité. Alors qui choisit, et en fonction de quels critères ?

Philippe Fournié est vice-président de la Région Centre Val-de-Loire, en charge des transports et de l’intermodalité : « La mobilité, dit-il, est un triptyque qui intègre l’aménagement du territoire, les services à la population et bien sûr l’environnement, donc les énergies ». Cela comprend le train, les cars et les bus, les tramways, les voies cyclables, mais aussi nouveaux services que sont le covoiturage et l’autopartage.

En région, seize opérateurs de transport assurent 500.000 voyages quotidiens. « Il y a toujours des gens qui râlent et parfois avec raison, admet Philippe Fournié. Mais les cars ne passeront pas éternellement par le même chemin quand ils sont vides ».

Gilles Lefebvre est Directeur territorial Centre Val-de-Loire de Transdev, l’opérateur interurbain de référence en Région Centre. « On adapte les parcours et les services régulièrement, dit-il, en fonction des évolutions urbaines et périurbaines. Un nouveau lotissement, un nouveau collège, et c’est le besoin d’une autre ligne. Dix ans plus tard, de nouvelles personnes âgées, c’est un transport à la demande pour aller au marché »…

Il y a trois ans, la loi NOTRe confiait l’organisation des transports interurbains aux régions. 850 véhicules estampillés Rémi (Réseau de mobilité interurbaine), sillonnent la région chaque jour. Ajoutons sous la même marque le TER sur les rails. Le concurrent Keolis assure lui, une grande part des déplacements urbains ; bus et trams. Les AOM, Autorités organisatrices de la mobilité (régions, agglomérations et métropoles), touchent pour cela le « versement transport » des entreprises. C’est grâce à cette contribution locale que nous nous déplaçons à moindre frais.

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Ces mêmes AOM décident donc de la fréquence des horaires et de l’étendue des réseaux. Les experts en transports, en urbanisme et migration des populations, travaillent ensemble sur ce qui ressemble à un casse-tête pour contenter les usagers et ménager les dépenses. Mais il y a aussi des choix politiques. Philippe Fournié le dit : « plus de car ni de trains diesel sur les lignes régulières en 2028 ». Le délégataire donc a huit ans pour adapter son parc de véhicules. « Les opérateurs doivent mettre en musique la volonté politique, résume Gilles Lefebvre, avec les véhicules, les conducteurs et les lignes qui correspondent au cahier des charges ».

 Sortons du « train-train » quotidien !

Philippe Fournié est persuadé que ce sont parfois des solutions radicalement différentes qui se dessinent : « S’agissant du train, le mode de transport le plus structurant, il faut créer sur les lignes comme les lignes Tours-Loches et Tours-Chinon un projet collectif » Sans doute sous la forme d’une société coopérative de transport, qui associerait les entreprises liées au transport, comme le constructeur Socofer à St Pierre-des-Corps, les collectivités et les associations d’usagers. « Réfléchissons ensemble pour apporter de nouvelles réponses ».

Tours-Loches est de ces « lignes de desserte fine du territoire ». Deux aller-retours voyageurs quotidiens sont assurés, plus un car en complément et un train de fret. C’est évidemment moins de voitures et de camions sur les routes, mais y trouve-t-on notre compte ? Pas certain… Car même remaniées, ces lignes ne verraient pas plus de trains circuler, au vu des normes de sécurité. Il faut donc à minima une remise à niveau, au risque de ne plus y rouler du tout. Les enjeux sont énormes, en campagne comme en ville, en coordination du tram et des cars. Pour quels passagers, à quelle heure et pour quoi faire ? Il faut gérer les heures de pointe, la fréquence et trouver d’autres usages en heure creuse. Pourquoi pas des colis et marchandises légères qui circuleraient en alternance, une sorte de fret de cabotage. Mais en soirée, quid ?

« La réponse doit être participative », insiste Philippe Fournié.

Les usagers au combat

« Bonne idée », répond le Président de la FNAUT, association régionale des usagers des transports. Jean-François Hogu regrette justement qu’il n’y ait plus de CLAD en Région, ces comités locaux d’animation pour l’organisation du transport. « Les matériels Intercité ont été renouvelés sans concertation, regrette-t-il. Dommage, car ils vont avoir une durée de vie de plus de trente ans ». La FNAUT reste vigilante sur ce que pourraient être les mobilités de demain : « On fait le forcing pour la pérennité des arrêts de bus et de trains, ainsi que le cadencement horaire, poursuit J.-François Hogu, Cela commence par les périodes de vacances scolaires, durant lesquelles certains arrêts sont simplement supprimés. C’est oublier un peu vite les gens qui travaillent ».

Autre combat de la FNAUT, l’unicité des tarifs, autrement dit, un billet unique qui serait valable pour tous les transports, urbains ou ruraux. Mais les systèmes d’émission et de validation dépendent des collectivités organisatrices du transport. « Le transfert des délégations de service public n’a rien changé », regrette J.-François Hogu.

Gilles Lefebvre, Transdev, rappelle pourtant que la région n’a la compétence transport que depuis 2017 avec Rémi. « Elle a harmonisé le système et créé une tarification unique. On y vient, poursuit-il, il faut utiliser des matériels de billettique communs. C’est en cours de déploiement pour l’Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher et le Loiret ». L’appel d’offre sera prochainement déployé. Mais l’interopérabilité suppose des accords entre les autorités organisatrices, et des choix concordants. Or, toutes les collectivités ne font pas le même choix. Vendôme par exemple, a pris la compétence transport, pas Romorantin.

Retrouvez l’intégralité de notre dossier Mobilités, à télécharger en cliquant ici. 

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