Dossier : Bien vivre au travail

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Tout le monde a compris que la génération montante ne vient plus au travail dans le seul but de gagner de l’argent. Elle veut aussi donner du sens à son existence, une raison d’être à l’obligation de se lever, une motivation pour construire sa vie.

Tout serait simple si la vie au travail était un bonheur quotidien. Mais ce n’est pas toujours le cas. Pourtant, les entreprises, comme les collectivités, portent une attention toujours plus grande au bien-être de leurs salariés. Malgré cela, si la QVT, qualité de vie au travail, est pour certains une évidence, voire une politique, elle est pour d’autres une incongruité.

Il est des entreprises qui la cultivent dans la plus grande discrétion, presque naturellement, quand d’autres en font un jeu, et d’autres encore une obligation.

À chacun sa méthode et son ressenti.

Le baby-foot participe à créer du lien, l’intéressement motive, le télétravail assouplit, mais on oublie trop souvent les douleurs internes, les jalousies et les guerres de pouvoir qui vrillent les bonnes intentions. Le bien-être au travail est avant tout une question de psychologie et d’attention aux individualités qui composent le groupe. Le salarié a besoin de progresser et de se sentir utile. La formation professionnelle, la reconnaissance et le partage des succès y contribuent aussi largement.

 

L’humain au cœur de tout

Si le bien-être au travail est un Graal, il n’est pas encore monnaie courante. Bon nombre d’entreprises souffrent de dysfonctionnements qui entravent leur bon développement. Les solutions existent pourtant, plus ou moins efficaces, mais c’est à coup sûr dans la gestion de « l’humain » qu’elles se trouvent le plus souvent.

Quelques psychologues et psychothérapeutes sortent de leurs cabinets pour pénétrer le monde de l’entreprise, et appliquent au collectif cette connaissance de l’humain. Audrey Nivois et Marie Aline Costovici en ont même fait une activité à part entière. « Il se peut que la perturbation soit personnelle, observent-elles, et ne concerne que le manager ou un membre décisionnaire de l’équipe. Submergé, il ressent une pression trop forte. Il faut alors l’aider à sortir de l’impuissance et à retrouver son autorité perdue ». Mais il est aussi fréquent que le trouble relève du collectif, et les causes possibles sont alors nombreuses. Dans la conduite du changement, par exemple, l’obstacle est souvent la peur. Il faut alors identifier les résistances, souvent le manque de confiance en soi, et entraîner collectivement l’ensemble des salariés vers un renouveau. Il arrive aussi que l’accumulation de non-dits et de malentendus génère des tensions ou de l’usure, au point que la situation devienne critique.

Certaines situations poussent à l’extrême à « faire du ménage » et à trouver le maillon faible. On s’observe, on suspecte, et la situation devient délétère. De la même façon, l’arrivée d’un nouvel élément dans une équipe, peut générer une situation tout aussi détestable. Outre l’erreur de casting, qui peut arriver, elle entraîne parfois de la jalousie et dérègle une mécanique pourtant bien huilée. Exit alors le bien-être au travail, c’est toute l’équipe qui vient à reculons. « Il devient alors nécessaire de générer un nouvel ordre pour que chacun soit à sa place ».

Être à sa place… Là est la question

« Pour bien vivre son travail, il faut se sentir utile, précise Marie Aline, efficace, compatible avec l’entreprise et les éléments qui la composent ». Autrement dit, une bonne personne au mauvais endroit, c’est une perte de motivation assurée, des jeux de pouvoir, rivalités et conflits qui se font jour.

Avec le temps surgit aussi la personne qui « n’a plus vraiment sa place dans l’équipe », proche de la retraite, sans plus de perspective d’évolution, mais pourtant forte de vraies compétences. Certaines entreprises en font d’ailleurs une force et recourent au mécénat dit de compétences. Elles détachent ce salarié dans un secteur associatif proche de ses compétences ; c’est un renouveau pour les trois parties.

Les situations sont innombrables, certaines génèrent du stress, poussent les plus fragiles ou les plus exposés au burn-out. « L’entreprise peut perdre jusqu’à son identité, prévient Audrey, le moteur s’essouffle et se déshumanise. Or, l’humain est au cœur de tout, même si l’objectif du bien-être au travail, n’en doutons pas, n’est pas exclusivement altruiste. Il est aussi, et c’est naturel pour une entreprise, la performance et donc le bénéfice ». 

Alors bien vivre au travail, est-ce une utopie ?

« Non, affirme Marie-Aline Costovici, toutes les situations sont solvables dès lors qu’il existe une vraie volonté de changement. Tous les êtres humains veulent aller mieux et gagner plus ». Il faut donc remettre en route les mécanismes sociétaux, avec de la pédagogie, et montrer que tout est possible. « Quoi qu’il en soit, la solution vient du collectif, poursuit Audrey Nivois. Il faut donc comprendre l’ingénierie émotionnelle, analyser les individualités et ne pas calquer des solutions toutes faites ». Le baby-foot dans la salle commune est certes une bonne chose mais ne fait pas tout, loin de là. Encore faut-il que les salariés aient envie de l’utiliser et que cela génère une émulation. Autrement dit, aider la structure, oui, à condition que l’on ait écouté et compris les problèmes de chacun. Les psychologues disent volontiers qu’il faut que chacun soit « dans sa force ». Leur expertise de l’humain permet de mieux détecter les points de blocage et les mécanismes de défense que chacun se crée sans même s’en rendre compte. « C’est une affaire de prudence, de sensibilité et de respect, explique encore Audrey, la conduite des entretiens est subtile et décisive ».

Le nerf de la guerre est la motivation

Au dire des observateurs, le plus difficile est de gérer l’incompétence que l’on ne veut pas voir, et l’incapacité à se remettre en question. Les « indéboulonnables » ne sont motivés que par l’envie de rester. « Pourtant, la motivation est le moteur de toute entreprise, insiste Marie Aline, et le niveau d’implication de chacun doit être au Top, à tous les postes sans exception ». Les leviers de motivation sont connus : une communication adaptée, la reconnaissance par le salaire ou les primes, mais aussi par un feed-back positif en remerciant ou en exprimant simplement sa gratitude. « L’homme n’est pas un ours, conclue Marie Aline, le lien social est indispensable. Ne dit-on pas aussi que la formation est un ascenseur social » ?

Dossier réalisé par Stéphane de Laage

 

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