Claire-Lise Hurlot débute, en 2024, sa 32ème année d’expérience au sein du Groupe Crédit Agricole. Elle a évolué au sein des Caisses régionales de Charente-Périgord, du Finistère, de Réunion-Mayotte, puis au sein du Crédit Agricole S.A. Le 2 octobre dernier, elle est devenue Directrice Générale de la Caisse régionale du Crédit Agricole Centre Loire. Rencontre.
L’Épicentre : Selon vous, quelle est la particularité de la région Centre-Val de Loire par rapport aux autres territoires où vous avez évolué ? Remarquez-vous des spécificités sur le territoire que vous couvrez ?
Claire-Lise Hurlot : Le Crédit Agricole Centre Loire est établi sur trois départements : le Loiret, le Cher et la Nièvre. Entre ces trois départements, les dynamiques ne sont pas les mêmes. Nous sommes aussi sur deux régions différentes, Centre-Val de Loire et Bourgogne-Franche-Comté. Cela donne une topographie assez contrastée : le Loiret avec Orléans, un pôle urbain, la troisième couronne de Paris, est assez différent du Berry et de la Nièvre. Le Crédit Agricole Centre Loire est une Caisse régionale très implantée avec des parts de marché très importantes, au-dessus des 50% et qui atteignent les 60 à 70% dans la Nièvre, ce qui est normal car le Crédit Agricole a toujours été implanté dans les territoires ruraux. Le Crédit Agricole Centre Loire compte plus de 2 000 salariés et plus de 170 agences. Les écosystèmes ne sont pas les mêmes sur chacun des trois départements.
Ce que je trouve intéressant sur cette Caisse régionale, c’est qu’il y a à la fois une très belle dynamique dans la capacité à lancer les projets nationaux, et à la fois des spécificités locales, des lancements de projets, des structurations de filiales au service des acteurs du territoire local. C’est intéressant car c’est le modèle du Crédit Agricole.
Xavier Malherbet, votre prédécesseur, aimait se définir davantage comme un chef d’entreprise qu’un banquier. Diriez-vous la même chose de vous ?
Oui, car je n’ai pas un parcours de banquière dans le sens où je n’ai pas fait toute ma carrière en agence, au contact des clients. Comme nous sommes une banque coopérative et mutualiste, nous faisons en sorte que notre accompagnement du territoire fait qu’il y aura de la création d’entreprises et de l’emploi.
Nous avons créé quatre villages de l’innovation sur les trois départements [deux à Orléans, un à Vierzon et un à Nevers, ndlr]. J’anime au niveau national le comité de déploiement des villages d’innovation. En général, vous en avez un par caisse régional ou un par département, mais jamais autant ! Pourquoi a-t-on ouvert le dernier à Vierzon ? Pour attirer des start-ups, pour incuber des pépites, des petites entreprises qui je l’espère vont devenir grandes, attirer des jeunes talents et créer de l’emploi.
Le 14 décembre dernier, le Crédit Agricole a annoncé qu’il cesserait de financer de nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles. Que pensez-vous de cette décision ?
À titre personnel, j’ai des convictions sur le sujet parce qu’il y a une urgence climatique face à nous. Les engagements pris par le Crédit Agricole sont très forts. Il y a un engagement de toutes les entités du Groupe dans les 48 pays dans lesquels il est implanté. Les énergéticiens (Total, Engie…) doivent aussi pivoter pour passer des énergies fossiles aux énergies renouvelables. Et là, en revanche, nous allons les accompagner. Cela veut dire des investissements colossaux que le Crédit Agricole va continuer à financer.
Nous avons créé une filiale Centre Loire Énergies Renouvelables uniquement pour financer les énergies renouvelables. Nous dotons cette filiale de fonds propres pour permettre de financer ce type de projets.
Les banquiers sont un peu le poumon de l’économie. Quand une entreprise doit décarboner son outil de production, ce n’est pas évident. À nous de trouver des solutions intelligentes avec elle et surtout de l’accompagner maintenant.
Nous sommes le Crédit Agricole et il faut que nous accompagnions toutes les filières agricoles dans la décarbonation, avec par exemple une filière élevage très émissive en méthane. Comment accompagner ces filières émissives à l’être moins ? Et ce n’est pas le même sujet pour la viticulture, pour les céréales. Ce sont à chaque fois des dispositifs différents.
Nous sommes très engagés sur ces sujets. C’est pour moi le virage stratégique majeur que j’aurai à construire dans l’entreprise avec l’équipe de direction et le conseil d’administration.
Dans un contexte où le pouvoir d’achat reste la préoccupation n°1 des Français, où il y a des accidents de la vie et où les fins de mois sont parfois difficiles, comment êtes-vous en mesure d’accompagner les personnes les plus en difficulté ?
L’access banking, c’est une banque accessible à tous avec des offres très épurées et donc des facturations très faibles. Nous l’avons décliné sur nos assurances, sur nos crédits à la consommation, sur différents univers de besoins pour avoir des offres d’entrée de gamme accessibles à tous et peu onéreuses. Il n’y a pas de condition d’éligibilité. Vous pouvez y souscrire en ligne en quelques clics. Cette offre est particulièrement adaptée à une clientèle plus modeste.
Nous avons aussi le dispositif Passerelle quand vous avez des coups durs plus importants (chômage, accident de la vie, maladie, divorce…). Ce dispositif permet d’envisager par exemple des pauses de mensualités sur les financements. Le Crédit Agricole est la seule banque à avoir doublé le montant du prêt à taux zéro octroyé par l’État, avec un montant maximum de 20 000 euros.
Nous avons des systèmes prédictifs du risque et des problématiques qui peuvent arriver au client. Je demande aux conseillers, très en anticipation, dès qu’on commence à avoir des clignotants, de rencontrer les clients, de regarder avec eux comment passer la fin du mois et de peut-être suspendre certaines mensualités. Nous sommes aussi en éducation financière.
Nous avons aussi une association de bénévoles qui s’appelle Centre Loire Solidarité. Des anciens salariés et administrateurs à la retraite accompagnent les personnes les plus en difficulté. Si vous avez un cumul d’évènements, il faut accompagner dans la durée. Là, c’est un accompagnement humain.
Il vaut mieux accompagner nos clients à passer des coups durs qu’avoir des clients qui passent en surendettement et qui durablement vont être en grande difficulté.
Les arnaques sur internet sont de plus en plus nombreuses. Les clients et les banques sont les premiers impactés. Comment, concrètement, une banque peut-elle lutter contre cette cybercriminalité ?
Le Crédit Agricole déjoue des dizaines d’attaques par jour. Jamais nous n’allons vous demander vos coordonnées et votre mot de passe. D’ailleurs, c’est rappelé sur notre site internet, notre application mobile… Il peut quand même y avoir des clients qui se font arnaquer. Parmi les arnaqueurs, il peut aussi y avoir des clients. Dès lors que nous pouvons démontrer que le client est honnête et qu’il a été victime, on le rembourse immédiatement. C’est la loi.
Le sujet du moment, ce sont les attaques d’entreprises où les arnaqueurs vont bloquer le système informatique de l’entreprise. Ils mettent un cheval de Troie à l’intérieur du système d’information et ils verrouillent tout, avec une demande de rançon. En général, quand l’entreprise reçoit la demande de rançon, elle appelle son banquier. Ce sont des milliers d’euros. Nous sommes tenus de ne pas verser à l’entreprise la rançon parce que sinon, nous participons à la malveillance.
Propos recueillis par Maxence Yvernault