Pour remettre sur les rails de l’emploi les cadres expérimentés, l’APEC développe le dispositif de mentorat « Talents Seniors ». Isabelle et Thierry témoignent.
Comme dans la chanson parodique des Inconnus, Isabelle a les yeux bleus. Mais, à 54 ans, elle a surtout beaucoup de mal à retrouver un emploi de cadre. Voilà près de deux ans, brièvement interrompus par des missions ponctuelles, qu’elle recherche un poste de responsable en ressources humaines, son secteur de prédilection. Pendant douze ans, Isabelle Ridet a exercé des responsabilités de cette nature, en y ajoutant des tâches de comptabilité et d’informatique, dans une association du secteur familial et social du Loiret. Elle a quitté cette entreprise en 2021 pour une direction d’établissement dans le domaine du handicap qui n’a pas pu se prolonger.
Huit retours à l’emploi sur dix
C’est lors d’un entretien avec son conseiller de l’APEC (Association pour l’Emploi des Cadres) que le dispositif « Talents Seniors » lui a été présenté en début d’année. « J’ai été séduite par cette idée qui consiste à former un duo entre un cadre senior en recherche d’emploi et un autre cadre, ou dirigeant, en activité », explique-t-elle. Cette formule de mentorat a fait ses preuves dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, et Hauts-de-France où elle a été initiée en 2019. Grâce à un accompagnement d’une durée moyenne de six mois, huit « mentorés » sur dix retrouvent un emploi. Le dispositif est progressivement adopté par les autres régions, comme en Centre-Val de Loire où le lancement a donné lieu à une manifestation officielle le 9 mars dernier à Orléans. Ce jour-là, trente duos ont été formés et ont signé une charte de mentorat sous les yeux de Cyrille Longuepée, déléguée régionale de l’APEC, et de nombreuses personnalités.
Engagements pour l’inclusion
Thierry Commeyras était présent et il a signé avec Isabelle Ridet, le document qui lui confie la responsabilité de « mentor ». Le directeur du site Honda France Manufacturing d’Ormes est aussi élu à la CCI du Loiret et à l’UIMM. « A titre personnel et professionnel, je m’engage beaucoup pour toutes les initiatives qui peuvent favoriser l’inclusion, explique-t-il. Par exemple, nous participons à la semaine du handicap et nous formons des jeunes issus des quartiers défavorisés ou en rupture scolaire. »
Conformément à leur charte de mentorat, Isabelle et Thierry se sont rencontrés d’abord pour se connaître et ensuite pour définir une stratégie. « Nous avons discuté sur la formulation du CV, les atouts à mettre en avant et les natures de postes à rechercher », résume Thierry Commeyras qui a déjà commencé à sonder son réseau pour repérer les potentiels employeurs. Isabelle et Thierry vont continuer à échanger et à affiner leurs recherches en espérant un heureux aboutissement.
Les cadres au chômage sur-représentés
« 30 ans de carrière, c’est un beau début ! » : le slogan étalé sur une affiche pourrait sonner comme une provocation en ces temps de contestation sur l’âge de la retraite. Il n’en est rien. La formule est signée par l’Association pour l‘Emploi des Cadres (APEC) et s’adresse aux potentiels recruteurs de cadres seniors. Ils ne sont pas nombreux car si le taux d’emploi des cadres de plus de 50 ans a progressé, il n’atteignait que 56% en 2021. La région Centre-Val de Loire ne fait d’ailleurs pas figure de modèle en la matière avec un taux de 48%, inférieur aux autres régions.
Ce sous-emploi des cadres expérimentés se retrouve dans les statistiques de Pôle Emploi où ils représentent 36% des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans. 72% d’entre eux ne se retrouvent pas dans les offres proposées et 90% estiment que leur âge nuit à un possible recrutement.
Bruno Goupille