Venu renforcer l’ADA pour la première saison du club dans l’élite du basket français, l’expérimenté meneur de jeu américain rallie tous les suffrages. Sur les terrains, et plus encore dehors.
« Jaime, c’est la classe ! ». Julien Monclar se fait facilement dithyrambique lorsqu’il évoque le meneur de jeu américain qui fait les beaux jours du Jeu de Paume depuis le début de la saison. Il est loin d’être le seul. Côté terrain, les critiques se font rares. « C’est un très bon joueur de basket, qui nous apporte beaucoup par sa maturité, sa capacité à prendre du recul. Sans sa grave blessure [rupture des ligaments croisés en 2021], il n’était clairement pas dans nos moyens », confesse le manager général. Et de rappeler que « Jaime a notamment remporté la coupe d’Europe Fiba ». L’entraîneur Michaël Hay est sur la même longueur d’ondes. Il vante d’emblée « sa qualité de shoot », mais aussi « sa capacité à organiser le jeu et à provoquer les fautes ». Son regret : une exploitation jusqu’ici insuffisante de son talent. « Il nous manquait quelqu’un qui crée pour lui. On avait un peu de mal à le trouver », déplore-t-il. Pour l’ancien champion – et désormais LA voix française du basket – Jacques Monclar, « c’est un meneur sûr de son shoot, fait pour faire jouer les autres, qui lit très bien le jeu ». Il finit par concéder une demi-critique : « Il manque parfois un peu de vitesse et attend peut-être un peu trop pour jouer lui-même ». Trop altruiste, Jaime ? Le joueur avoue que ce qu’il préfère, « c’est faire jouer les autres ». Même s’il estime que sa plus grande qualité de basketteur, c’est « son shoot ». Un talent qu’il n’a de cesse de travailler. « Il finit toujours les entraînements par une longue série », pointe le coach, qui salue un « joueur très professionnel, très exigeant vis-à-vis de lui-même ». « À l’entraînement, il est toujours le dernier parti », observe l’ailier MBaye NDiaye. « C’est un gros bosseur, et à l’entraînement et sur lui-même. C’est celui que je vois le plus », confesse à son tour le kiné, Sylvain Courtin. « Il fait très attention à son corps, toujours très soucieux de bien s’échauffer, de bien s’étirer. Il est minutieux et sait ce qu’il a à faire », lui fait écho le meneur Thomas Cornely.
Pluie d’éloges
En dehors du terrain, c’est une pluie d’éloges. Tous dressent le portrait-robot du gendre idéal, en usant souvent des mêmes qualificatifs. Comme s’ils s’étaient passé le mot. « Jaime est un garçon très attachant », résume le président Paul Seignolle. « Il est hyper agréable et accessible. En dépit de la barrière de la langue, c’est très facile d’échanger avec lui », ajoute Sylvain Courtin. « Les Américains sont souvent très centrés sur leur culture. À l’inverse, Jaime est très curieux et très ouvert », note Julien Monclar. L’arrière Timothé Vergiat dresse le même constat, à la virgule près : « Il vient facilement vers les autres, s’intéresse beaucoup à la culture française, ce qui n’est pas toujours le cas de ses compatriotes ».
« Il a pas mal bourlingué », rappelle Michaël Hay. Et comment ! Arrivé sur le Vieux Continent en 2013, il a joué au Portugal, en Suisse, en Belgique, en Ukraine, en Turquie et en Italie (en Lombardie et en Sardaigne). Un vrai guide du routard à lui seul ! Est-ce si difficile de faire carrière dans un même club dans le basket professionnel d’aujourd’hui ? « Ce n’est pas que les clubs ne voulaient pas me garder, explique Jaime. Mais j’ai commencé en bas de l’échelle [tout est relatif !], et comme je voulais progresser, je n’avais d’autre choix que de changer régulièrement de club pour gravir plus rapidement les échelons ». Il confirme en outre qu’il « aime découvrir de nouvelles cultures », y compris de basket : « Ma carrière terminée, je souhaite devenir coach, idéalement dans une université américaine. Découvrir différents styles de jeu, différents modes de management, différents coachs ne peuvent que m’être bénéfique ».
Le basket dans le génome
Transmettre, Jaime s’y emploie déjà chaque été, dans l’entreprise familiale – J Smith Hoops –, qui forme et entraîne… des basketteurs. Du débutant au joueur pro. Une entreprise créée par son frère aîné, Joe, ancien basketteur professionnel et aujourd’hui agent NBA. Le joueur préféré de Jaime, « avec Kobe Bryant ». C’est son second frère, Jason, lui aussi ancien joueur pro, qui la dirige désormais avec l’une de ses deux sœurs, Jada ; la seconde – Jordan – prêtant également main forte. Car dans la « J family », le basket fait partie du génome. Les cinq membres de la fratrie ont tous décroché une bourse universitaire complète. Et chose plus rare encore, dans la même université !
Confiant
À 33 ans, la retraite, y songe-t-il déjà ? « J’aimerais jouer au moins encore un an, peut-être plus, je ne sais pas encore. C’est un métier passionnant, mais également très exigeant, éreintant [Jaime utilise le mot « grind », que l’on pourrait traduire par broyer, concasser]. Particulièrement en Europe, où la pression est très forte à chaque match. On en fait tout un plat ! Aux USA, c’est davantage un divertissement. C’est sans doute pour cela que certains Américains ont du mal à s’adapter. En outre, les saisons ici sont très longues. On est absent neuf mois par an de la maison, loin de la famille. C’est rude. Beaucoup visent désormais l’Asie ou l’Australie, où les saisons sont plus courtes ». Cette année supplémentaire, sera-t-elle blésoise ? C’est évidemment trop tôt pour le dire. On devine que l’attrait de l’Italie, où il a ses meilleurs souvenirs, est fort. « La ferveur des fans est vraiment très grande, y compris dans la rue », avoue-t-il. Pour Blois, cela passe par le maintien en Betclic Elite. Jaime veut y croire : « Nous n’avons pas encore atteint notre plein potentiel ». Autre motif d’espoir selon lui : « Le groupe a su rester très soudé en dépit des défaites. Personne n’a cherché à rejeter la faute sur les autres, ce qui est souvent le cas en pareille situation. C’est toujours agréable d’aller s’entraîner avec ce groupe ». Le joueur loue aussi « le grand professionnalisme du club ». « Jaime est très respectueux de la hiérarchie, du coach, du club. Y compris quand il ne partage pas la stratégie », souligne Michaël Hay. Qui décrit encore un « homme discret, en retrait ». Pas le genre à bomber le torse et à écraser les autres. « Ce n’est pas lui qui met l’ambiance dans le vestiaire », concède le coach. « Il est calme, posé », confirme Thomas Cornely. « Le respect du coach, c’est primordial, confie Jaime. Je sais que certains de mes compatriotes estiment parfois qu’on n’a rien à leur apprendre ici, que leur talent serait tel qu’ils seraient au-dessus des consignes. Ce n’est pas comme cela que je vois les choses ». S’il n’est pas le plus grand des basketteurs, Jaime Smith est assurément un gentleman.
Frédéric Fortin