La culture n’est pas un bien de consommation comme les autres. En faire commerce est une aventure, un pari sur l’avenir. Sans aucune subvention de fonctionnement, les entreprises culturelles privées sont néanmoins au coude-à-coude avec les institutions, propriétés d’Etat ou de collectivités. Pourtant, aucune acrimonie et pas de jalousie dans le discours des propriétaires. La culture est une passion qu’ils assouvissent, sans cesse à la recherche de nouvelles créations, un œil rivé sur le bilan.
Les réussites sont parfois hors normes, comme celles du ZooParc de Beauval, qui dame le pion à Chambord et dépasse le million et demi de visiteurs. Les châteaux de Cheverny et du Clos-Lucé, les jardins de Villandry, n’ont pas de telles prétentions, mais tirent superbement bien leur épingle du jeu culturel. S’engager dans une entreprise culturelle est un pari pour certains, un devoir patrimonial pour d’autres. Mais quel que soit leur engagement, ils ont la passion pour principal moteur. « On ne fait pas vraiment fortune, s’accordent-ils, mais c’est l’aboutissement d’une envie farouche de réaliser ce à quoi l’on croit ». Ils sont libraires, gérants de cinéma, producteurs de théâtre, galeristes ou châtelains (oui, c’est un métier.) … Ils ont pour point commun de réussir passionnément la gestion de leurs entreprises.
« Si on ne le fait pas maintenant, on va le regretter »
Au-delà du temps et de l’expérience, quand un projet fonctionne, c’est grâce à l’engagement inscrit dans les gènes du porteur. En témoigne le nombre d’initiatives qui voient le jour sans lendemain. « Il faut être farouchement engagé, témoigne Laura Capazza, de la galerie éponyme à Nançay dans le Cher. C’est l’une des clefs de la recette. Il faut aussi compter sur les rencontres providentielles, savoir embarquer les gens avec soi, avoir de la folie et de l’utopie certainement. Enfin, il faut une part de chance », reconnaît encore Laura. Puis quand l’histoire est lancée, il faut la faire durer. À l’aube de chaque projet, s’écrit la même phrase « si on ne le fait pas maintenant, on va le regretter ».
Chaque année est un nouveau départ et les mêmes questions se posent. Le prévisionnel ? Oui bien sûr, mais qu’importe, les charges à couvrir sont connues. « Le résultat n’est pas l’objectif premier, observe Laura Capazza, mais plutôt la défense des artistes et des collectionneurs. Quand on parle de culture, on joue sur la ligne de confiance, l’honnêteté et la sincérité ». Sans doute, est-ce pour cela qu’une galerie comme Capazza reçoit plus d’un millier de candidatures d’artistes par an ; ils ne s’y trompent pas.
L’équilibre économique n’interdit pas le coup de poker
Quand ils ont démarré, certains il y a plus de cinquante ans comme la galerie Capazza, le château de Cheverny ou les jardins de Villandry, les conditions d’exercice étaient bien différentes et sans doute plus favorables à la réussite dans le temps. Au point que certains reconnaissent que le challenge serait simplement impensable aujourd’hui. « Notre société se borde, observe Laura Capazza, banques, administration, assurances. Le grain de folie et le coup de cœur ne suffisent plus à séduire les partenaires ». Dans l’exercice de la culture, pour le choix d’une projection, d’un artiste ou de la mise en avant d’un livre, il faut aussi choisir l’équilibre économique, donc orienter les programmations.
Antoine Jarrige a ouvert il y a peu sa librairie à Vouvray. Le Tumulte, c’est son nom, compte plus de 6.000 références. « Il faut savoir être éclectique quand on ouvre un commerce », dit-il.
Cette complémentarité, on la retrouve chez Capazza, avec 90 artistes permanents, peintres, sculpteurs, joailliers ou photographes. « On aime la diversité des regards et la richesse des univers, mais il faut établir un équilibre », convient Laura Capazza.
Et puis, il y a les prises de risque, comme un joueur de poker tente un coup. Le galeriste prend part à des expositions de renom à Paris, en Belgique ou au Palais Jacques-Cœur de Bourges. Des investissements parfois très lourds, mais sur lesquels Capazza compte pour de vrais résultats. Cette démarche d’un galeriste de province est rare, voire unique en France. Autre coup de maître, au château de La Ferté-Saint-Aubin, propriété de Lancelot Guyot : Cocorico Electro est arrivé comme un OVNI. La manifestation musicale se décline durant trois jours à la façon d’un festival électro. Le fond de scène est remplacé par le château, et les festivaliers s’en réjouissent. Pas de quoi refroidir les plus grandes signatures, à l’image de Bob Sinclar et quelques autres qui ont mixé devant près de 16.000 spectateurs !
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Dossier spécial Culture réalisé par Stéphane De Laage. Pour retrouvez le dossier complet, consultez nos éditions pdf ici.